Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 234)

L'équipe de la revue continue de fêter son demi-siècle d'existence, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs et lectrices. Dans ce numéro, ont été contacté.es les auteurs et autrices n'ayant jamais encore publié dans la revue. On trouve donc ici un volet Fictions étoffé.

Le combattant, de J.D. Kurtness : Le betta est un survivant, et il le prouve en ne mourant pas lors de la fuite du petit Bao et sa mère à travers une ville éventrée par la guerre. Une jolie histoire originale de par son point de vue, et plus tendre qu'il n'y paraîtrait vu le contexte.

La Fosse des Mariannes, de Karoline Georges : Marianne Post-Mortem se sent seule depuis que Marianne Torture ne parle plus. Enfin, on vient la chercher. Cette histoire originale est plutôt gore, mais l'utilisation habile des mythes, et le twist sur le titre sont fort plaisants.

Les eaux souterraines, de Christian Guay-Poliquin : Norbert et Héléna sont envoyés par l'agence qui les emploie pour rénover un appartement au troisième étage d'un immeuble voisin du Mur, que plus personne n'essaie de franchir. Cette belle histoire dans un univers sans espoir présente un bon équilibre entre action et réflexion, entre murs intérieurs et extérieurs, et ne manquera pas d'évoquer des souvenirs aux lecteurs et lectrices ayant connu le monde d'avant 1989, ou qui auraient gardé en mémoire la fin de Les météores, de Michel Tournier.

Le désert, de David Clerson : Le narrateur avait oublié la maison de la rue Victoria, jusqu'au dernier message de son frère. A présent, il est revenu à Sherbrooke, et elle l'obsède. Une nouvelle énigmatique, à la progression bien maîtrisée, qui renouvelle le genre de la maison hantée, et sort le lecteur ou la lectrice de l'ambiance humide, à un titre ou un autre, des textes précédents.

La Ligne, d'Isabelle Gaudet-Labine : Dans cet univers où il n'est de langage que méta, que factuel, où la Ligne interdit l'expression des ressentis, le/la narrateur-ice envoie sa version d'une bouteille à la mer. J'ai beaucoup aimé cette nouvelle sur le langage, avec son écriture particulièrement bien maîtrisée, dans une ambiance orwellienne.

Langues mortes, de Véronique Drouin : Aura Seren est passionnée par son travail de recherche et traduction des anciennes langues, et c'est pourquoi elle est appelée au port au retour d'un navire ayant croisé un mystérieux bâteau dont tout l'équipage était mort, et qui rapportait un coffre portant une inscription plus antique que tout ce qu'elle avait jamais vu. Voilà une nouvelle très aboutie, un superbe mélange de mythes dans un univers imaginatif de cohabitation apparemment harmonieuse entre humain.es apparent.es et animaux apparemment modifiés.

Vers le Numériseur, de Renaud Jean : Béatrice et Bodnarchuk sont partis très chargés dans ce pélerinage, mais il est bien plus long que prévu. Entre rêve et réalité, une nouvelle qui parle des souvenirs et de leur poids, ainsi que des illusions.

La Souvenance, d'Ayavi Lake : Maam Guéwel est une griotte hors du commun, avant et après sa mort, et c'est son histoire qui est racontée ici. Le ton et les personnages sont originaux, avec une dimension mythique.

Obsolescence programmée, de Charles-Etienne Ferland : Comment éliminer ses outils une fois qu'ils auront effectué leur travail ? La réponse est dans le titre. L'idée est intéressante, mais son traitement ne m'a pas enthousiasmée, et la chure m'a paru sans surprise.

Le gars des vues, d'André Marois : La seule réalité en laquelle Armand croit est matérielle, alors quand Félix, qui est son passager en voiture, lui parle de synchronicité, il n'est pas convaincu... Cette nouvelle tendre et amusante met bien en scène le principe de synchronicité.

Mario Tessier consacre ses Carnets du Futurible à L'Oulipo, ou le jeu de la littérature. Il en présente les créateurs et représentants emblématiques, les techniques plus couramment utilisées, ainsi que les exemples en science-fiction, tout en évoquant des "ouvroirs potentiels" moins connus, par exemple celui de l'architecture ou de la cuisine.

Dans le Daliaf, Claude Janelle présente Le chien noir, de Rolland Legault, un recueil de nouvelles racontant des légendes et des histoires locales, paru en 1946, qui donne une image du Québec rural de l'époque.

Le nombre de critiques était plus limité dans ce numéro déjà bien abondant, mais toute frustration sera sans doute corrigée dans le prochain numéro !.