Graham Gomez est un type ordinaire, qui n'apprécie pas plus que ça la Société, mais pas au point de se révolter ouvertement. Quand il s'est fait taper sur les doigts pour avoir parlé trop librement contre les Conseillers de la Société en tant que journaliste, il a changé de métier. Quand la Société a prohibé la viande, il a abandonné la boucherie qu'il tenait. Maintenant, il se forme pour remplacer les conducteurs de transports en commun grévistes, plutôt que de manifester à leurs côtés. De toute façon, les manifestations ne servent à rien, elles sont totalement occultées par les médias. Bref, les tendances rebelles de Graham se limitent à boire un peu d'alcool en cachette, ce genre de choses.
Jusqu'au jour où il est sélectionné par la Société pour participer à un programme spatial - trois mois sur Mars - destiné à promouvoir le nouveau projet citoyen de la Société, des exosquelettes dont la Société veut équiper toute la population. Graham ne veut pas.
Hélas, la Société est prête à tout pour le contraindre à partir. Y compris à le faire accuser de meurtre. En cavale, Graham va devoir revoir sa position.
Dans ce one-shot dystopique, on découvre un univers liberticide à la 1984 qui fait froid dans le dos. Les citoyens sont fliqués en permanence par la Société, jusque dans leur intimité. La liste des choses interdites est interminable. Il faut toujours rester poli, il faut rester en bonne santé, il faut obtenir des autorisations pour avoir des enfants... "Même les petits vieux n'ont plus droit à leur petit chien". Tout cela au prétexte de veiller au mieux sur la population, car la Société agit pour le bien de tous, évidemment : la santé publique est essentielle, tout comme l'économie des ressources.
Dans cette recherche acharnée de la Société pour obtenir des individus en meilleure santé, plus résistants, selon le credo "moins de malades, plus d'économies", il y a parfois des loupés. C'est ainsi que, suite à une manipulation génétique ratée, un millier de personnes ont été malencontreusement transformées en salamandres. Pour le bien de tous, pour protéger les honnêtes citoyens d'une possible contamination, les salamandres ont été ostracisées dans l'indifférence générale. Graham s'en fichait un peu... jusqu'à ce qu'il ait un besoin désespéré d'aide pour échapper à la Société.
Graham, c'est le anti-héros par excellence. Il est moche, docile, banal. Il rate tout ce qu'il entreprend. Malmené par la vie, il va aller de mésaventure en mésaventure, s'enfonçant un peu plus à chaque absurde rebondissement. Un pauvre type avec des ennuis plus gros que le monde.
Pour illustrer cet univers glaçant, ce récit désabusé, des dessins simples, aux traits nets, avec de grands aplats de couleurs. Les graphismes sont un mélange de rétro (les costumes, les coiffures, les téléviseurs et radio évoquent le siècle passé) et de futurisme (des robots, des fusées... au look rétro !), avec des couleurs variées pais aussi fades et ternes les unes que les autres.
Ce n'est pas le genre d'album que l'on a l'habitude de voir chez Drakoo, mais si vous appréciez les satires sociales dystopiques, ce roman graphique pourrait vous convaincre.
