Saviez-vous que les promontoires de Galice, de Bretagne, de Cornouailles, du pays de Galles, de l’île de Man, de l’Irlande et de l’Écosse dessinaient un arc ?
Dit comme ça, difficile de les imaginer autrement qu’à travers une constellation de points reliés comme dans les énigmes de jeux pour enfants. C’est pourtant bel et bien ces côtes déchiquetées et spectaculaires qui se retrouvent au cœur du dernier ouvrage de Sylvain Tesson.
Parti par voie de mer à l’été 2022, l’auteur embarque sur un voilier accompagné de deux compagnons, Humann et Benoît. Sans oublier à bord, suffisamment de livres pour en faire une bibliothèque flottante et piocher dans les histoires d’autrefois la clé des songes d’aujourd’hui.
Une recherche absolue de magie et d’enchantement qui l’amène également à débarquer de temps à autre au gré des landes, des fougères ou des falaises. Des paysages bien souvent battus par les vents, où la progression (comme la lecture) manque parfois d’harmonie à défaut de manquer de consistance (pour ça, il y en a pour tous les goûts en matière de bibliographie).
J’ai aimé pouvoir prendre le temps de dupliquer ma lecture en mêlant la version audio à celle du livre papier. Car si la première donne du relief à l’évasion, l’imprimé nous gratifie de croquis de cartes qui permettent de suivre visuellement l’évolution de son périple en mer celtique.
La narration interprétée dans la version Écoutez Lire par Pierre Hancisse correspond en tout point à celle que j’attendais pour ce récit de voyage de l’écrivain et aventurier Sylvain Tesson. Un timbre de voix calme, posé, parfois légèrement froid voire un peu hautain, qui concorde avec le mélange ambigu de sentiments que me procurent les livres de cet auteur.
À chaque fois, je demeure partagée entre l’amour (pour son écriture, son sens de la formule et ses figures de style) et la haine (son humour douteux, son égo légèrement déréglé ou son déni de son héritage social). C’est vraiment propre à cet auteur qui arrive pourtant systématiquement à me surprendre, en bien ou en mal.
Cette fois, comparée à ma dernière lecture (Blanc), l’expédition a été plus agréable et onirique à suivre. Imprégnée d’une infinie poésie et regorgeant de légendes et de mystères, cette nouvelle aventure loin de la frénésie humaine nous invite à naviguer sur les flots, balayer les prairies, défier les dolmens ou jouer les fous de Bassan pour quérir les fées.
Non pas ces filles-libellules qui volettent en tutu au-dessus des fontaines, mais un terme à interpréter plutôt comme une « qualité du réel révélée par une disposition du regard ». Autrement dit, apprendre à voir différemment le monde qui nous entoure pour y déceler un nouveau miracle, un étonnement, un reflet changeant. Un affut (encore) à la beauté du monde et des paysages que l’on prend plaisir à retrouver au sein de cette odyssée celtique.
En revanche, fidèle à ses habitudes, Tesson nous gratifie toujours autant de références pompeuses à moults autres écrivains de l’Histoire (Aragon, Bachelard, Chateaubriand, Céline… je m’arrête là pour l’ordre alphabétique) qui alourdissent en mon sens la lecture.
La durée d’écoute dure quatre heures et il n’y a pas besoin d’avoir le pied marin car cette lecture donne, malgré tout, immanquablement le goût de l’horizon, du voyage et des embruns !