Les Chroniques de l'Imaginaire

Les terres de l'infini (Les terres de l'infini) - Frison-Rocher, Roger

Tour à tour guide de haute montagne, moniteur de ski, journaliste, explorateur et écrivain, Roger Frison-Roche est particulièrement reconnu pour ses récits d’aventure et d’alpinisme dont l’illustre Premier de cordée (1941).

Pour beaucoup de passionnés de nature writing, ces ouvrages symbolisent de belles émotions de lecture avec des histoires célébrant à la fois certes la nature et les hommes qui l’habitent mais également l’éternel combat entre le danger qui la caractérise par son hostilité et l’avidité des hommes à vouloir toujours la dompter.

Dans Les terres de l’infini, l’auteur nous emmène des solitudes reculées de la taïga jusqu’aux chutes vertigineuses et aux rapides furieux de la rivière Nahanni au Canada. On commence par survoler l’incommensurable forêt arctique avec Max, un ancien pilote et héros de guerre qui a quitté la France afin d’oublier ses traumatismes et de fuir sa famille bourgeoise.

Assurant le ravitaillement des habitants isolés sur les terres du Grand Nord canadien, il découvre Snowdrift, un village indien, et rencontre Rosa, une Cree trappeur, dont il tombe éperdument amoureux et qu’il épouse malgré les réticences de la tribu.

En dépit d’un climat rugueux et d’un confort rustique, la vie sauvage semble parfaitement leur réussir jusqu’à ce qu’un drame survienne, laissant Max dans un grand tourment. Éprouvé par le deuil, ce dernier part en quête de solitude pour retrouver un semblant de paix intérieure.

Finalement, il ne restera pas longtemps seul, rejoint par son neveu, adolescent rebelle et fugueur qu’il va tenter d’arracher à la drogue en lui transmettant son goût pour les forces d’une nature splendide mais impitoyable avec ses lois et son immuabilité. 

Au cœur de ces terres du désespoir, ils seront seuls, prisonniers des tempêtes de blizzard et de nombreux autres obstacles. Une nuit polaire pleine d’aventures et source de bien des dangers où ils devront veiller l’un sur l’autre pour ne pas que le destin se répète tragiquement…

Une très longue lecture, qui m’a replongé dans un style de récit et d’écriture d’une autre époque, faisant la part belle à la nature omniprésente, presque personnage principal à elle seule. Et c’est ce qui m’a fait tenir la cadence parce qu’autrement les dialogues et les actions sont assez stéréotypés d’un roman d’aventure des années 1970 vu, vécu et raconté par un homme de son temps.

Je n’ai rien contre les parties de chasses entre bonhommes, ni l’effeuillage des jeunes Indiennes, mais les scènes romancées paraissent bien désuètes (pour ne pas dire ringardes). Heureusement les descriptions clairement magistrales des paysages l’emportent sur le reste et témoignent elles aussi d’un temps où l’on pouvait encore se perdre à contempler des étendues vierges de tout impact humain. 

C’est une œuvre qui, au-delà du plaisir simple (et indolent) de la lecture, enrichit grandement l’imaginaire et le champ lexical de cette région (plus pour longtemps) assez méconnue du globe. Difficile de ne pas être tentée de suivre, via des recherches en ligne, les véritables images des lieux évoqués. Un petit plus, que ceux qui ont découvert ce livre (longtemps) auparavant n’avaient pas et qui n’enlève rien à l’exaltation de l’aventure à proprement parler. 

Rien que pour le lyrisme des descriptions (j'insiste), ce livre vaut sa réputation et sa place au sein de mon étagère de récits d'aventure (d'un autre temps, j'insiste encore).