Un matin, Abe s'est levé avec le besoin impérieux de pêcher. Lui qui n'avait pas taquiné le poisson depuis une éternité, presque jamais à vrai dire, s'est laissé emporter par cet appel aussi soudain qu'inattendu. Et c'est cela qui a déclenché ce qui lui est arrivé. Mais Abe aime les bonnes histoires bien racontées, et veut prendre le temps de dérouler le fil des évènements jusqu'au drame.
Veuf trop jeune, son épouse ayant été emportée par la maladie après deux années de mariage, Abe se laisse glisser dans l'indolence et la monotonie. Boulot, dîner rapidement expédié, dodo. Mais il découvre la pêche et cela change tout, il tient enfin une raison de se lever tous les matins. Lorsqu'un jour, il invite sur un coup de tête presque aussitôt regretté son collègue, qui vient de perdre sa famille dans un accident de voiture, à venir pêcher avec lui.
Les deux hommes ne se parlent que peu, et ne se confient qu'à demi-mots, mais une relation basée sur le plaisir du calme silencieux de la pêche se noue entre eux. Jusqu'à ce que Dan lui propose d'essayer un nouvel endroit nommé Dutchman's Creek, dans l’État de New-York. Un lieu dont Abe n'a jamais entendu parler et que malgré sa documentation touffue il a un mal de chien à repérer. Et un lieu, comme nous allons le comprendre, chargé de mystère...
Dans un récit enchâssé raconté par un tierce personnage, The fisherman nous propose de voyager dans le temps et de nous transporter dans un village qui se situait à quelques lieues de là, dans lequel a vécu une famille immigrée arrivée d'Allemagne. Pour une raison mystérieuse, le père, universitaire respecté, a été poussé à quitter le pays. Pourquoi ? Quel est son secret ? Et quel est le rapport avec Dan et Abe ?
De roman au rythme tranquille et mélancolique, The fisherman glisse lentement mais sûrement vers un récit d'horreur. L'atmosphère se charge de remugles nauséabonds et de magie noire. Le passage d'une ambiance à une autre se fait habilement et de manière inattendue, car en ouvrant ce livre on ne s'attendait pas à y trouver un tel récit. Quoique. Si on y regarde d'un peu plus près, la couverture est remarquablement bien conçue. Elle est argentée, et ses reflets changeants en miroir dénotent déjà une distorsion de la réalité. Quant à l’illustration, elle est non seulement très belle mais surtout, parfaitement en adéquation avec l'histoire, comme on s'en rend compte en progressant dans le récit.
Le tour inattendu que prend le roman, gothique et fantastique, peut dérouter. Mais il s'inscrit si bien dans le scénario du monde tangible qu'on se laisse prendre au jeu. Le talent de conteur de John Langan n'y est pas pour rien, lui a qui su endormir notre méfiance pour nous saisir à la gorge quand on ne s'y attendait pas.
Au-delà de la couverture magnifique proposée par les éditions J'ai Lu, avec une tranche rouge comme cela se faisait dans les vieilles éditions de poche, l'ouvrage vaut la lecture. Le rythme est aussi ensorcelant que l'histoire, la progression vers le fantastique très bien amenée, et le dénouement est délicieusement terrifiant. Un roman surprenant et envoûtant !