Dans le pays de DF, sur la côte italienne, les habitants mènent une vie bien rangée, bien calibrée, où rien n'est laissé au hasard. Les émotions ont été éradiquées par un vaccin administré dès la naissance. C'est une société calme, paisible, sans aucune violence, où chacun suit les ordres du gouvernement avec application.
Absolument tout est régi par le gouvernement : l'emploi qu'on occupe, le conjoint qui nous est assigné pendant cinq ans et avec qui il est de bon ton d'avoir au moins deux enfants, qui seront bien sûr confiés à l’État. Ce que l'on mange est également défini par les Autorités, il y a la semaine de la tomate, la semaine de la pomme de terre, de la viande, etc. Tout est gris, en diverses nuances de gris (le gris 422, le gris 154, le blanc 020, le noir 727 et tant d'autre), les vêtements, les meubles, les maisons, pas de place à la couleur qui engendre trop d'émotions.
Pas de lecture, pas de musique, pas d'art, pas de sourire, et certainement pas de rire. Tout est lisse, plat, sans émotion, sans âme, mais par conséquent, sans violence, sans haine, sans racisme, sans injustice. Les citoyens sont classés en niveau et bien sûr chacun aspire à passer au niveau supérieur pour avoir plus de bénéfices, un appartement plus grand, une douche en plus de la baignoire et autres merveilleux avantages.
Mais un jour Fausto a un accident. En se promenant sur la plage avec sa compagne assignée, il a malencontreusement ramassé un bâton et esquissé un dessin sur le sable. Cela a engendré chez lui un début d'émotion, et il a fait un malaise. Il a été immédiatement hospitalisé dans un service réservé à ces grands malades ayant ressenti une émotion. Dans sa chambre d'hôpital se trouvent trois autres malades avec qui il sympathise. L'un d'eux cache des livres, qui lui sont fournis clandestinement par une femme, Bernadette.
Et puis, il y a la docteure Anna Cordio, si belle ! Que d'émotions lorsqu'il croise son regard ! Les nouveaux amis vont alors se rebeller, ils ont envie de ressentir des émotions, ils en ont assez de leur vie insipide, terne, fade et entièrement pilotée par le gouvernement. Avec d'autres sympathisants, ils vont former un groupe et vont mettre en danger DF et son président, Andrea Bussoli.
Ce roman a une particularité, notamment le style d'écriture de Giulio Cavalli. Ce sont de longues, très longues phrases, avec beaucoup de virgules, entrecoupées parfois d'une phrase très courte. Cela peut sembler un peu étrange, déroutant, mais cela donne aussi un sentiment d'urgence et met le lecteur en condition pour lire cette histoire qui peut paraitre simple mais qui au final nous pousse à nous interroger sur notre société actuelle, sur les libertés de chacun, sur la construction et la survie d'une société.
Ce roman m'a surprise car je me suis maintes fois interrogée sur le bien-fondé de DF, que l'on peut qualifier d'état totalitaire au départ mais au fil des événements, on ne sait plus que penser. Cela m'a déstabilisée. On commence le roman avec des certitudes, mais au fil des événements, elles s'effilochent et on ne sait plus que penser. C'est une sensation très étrange.
C'est assez rare pour moi d'être autant surprise par un livre, et de me poser autant de questions, voire de ne plus être aussi sûre de mes propres convictions. Pour cela, je tire mon chapeau à cet auteur qui a vraiment su, en peu de pages, instaurer son univers et surtout provoquer un débat intérieur.
C'est aussi un roman qui ne laisse pas indifférent et qui provoque beaucoup d'émotions (ce que voulait certainement l'auteur !) car soit les lecteurs l'adorent et lui mettent cinq étoiles, soit le détestent et lui mettent une seule étoile. Pour ma part, je fais partie de la "team cinq étoiles" et j'ai envie de le faire découvrir autour de moi.
Une lecture que je conseille vivement, en précisant bien qu'il ne faut pas se laisser déstabiliser par l'écriture.