En 1971, Marie-Claire, une jeune fille de quinze ans, se retrouve enceinte suite à un viol perpétré par un camarade en qui elle avait confiance. Elle ne veut absolument pas garder l'enfant, elle n'a que quinze ans ; elle ne veut pas vivre la même vie que sa mère, une fille-mère célibataire, sans argent, qui travaille durement pour que ses trois filles mènent une vie décente.Toutes les deux vont voir un médecin, mais la somme demandée pour avorter est beaucoup trop élevée, 4500 francs de l'époque, alors que Mme Chevalier ne gagne que 1500 francs par mois.
Il ne reste plus qu'une solution : avortement clandestin. Par divers contacts, la mère de Marie-Claire réussit à trouver une femme qui ne leur demandera que 1200 francs et qui fait cela, en plus de son travail, pour pouvoir payer ses impôts.
Quelques mois plus tard, un jeune homme est poursuivi par une voiture de police. Il est arrêté et, devant les multiples accusations qui pèsent sur lui, il décide de dénoncer Marie-Claire qui a avorté. Il est parfaitement au courant car il n'est autre que le violeur de la jeune fille.
Le Manifeste des 343 a déjà été publié, mais n'a pas eu pour le moment beaucoup d'effets. Cela désespère les femmes à l'origine de ce cri, Gisèle Halimi, Delphine Seyrig, Simone Veil et d'autres. Elles décident alors de fonder l'association Choisir, et Gisèle Halimi propose de défendre gratuitement les femmes qui seraient accusées d'avortement et menacées de prison.
C'est comme cela que Marie-Claire et Maitre Halimi vont vivre le procès de leur vie, celui qui va faire basculer l'espoir et mener au 26 novembre 1974, date à laquelle Simone Veil, alors Ministre de la Santé, va réussir à faire voter la loi pour l'avortement à la chambre des Députés.
C'est une BD magnifique, tant par l'histoire qu'elle raconte, que par les dessins. Les émotions sont magnifiquement bien dessinées, on vit avec ces femmes, on vibre, on tremble, on espère, on désespère.
Le procès de Bobigny y est retranscrit avec beaucoup de détails, des phrases choc de Gisèle Halimi, les propos horribles des hommes qui vont juger Marie-Claire et sa mère ("Le spéculum, vous lui avez mis dans la bouche ?" demande le Procureur), l'intervention de Delphine Seyrig, grande actrice très connue à cette époque qui vient expliquer qu'elle-même a avorté et qui veut faire comprendre, à l'aide de Mme Halimi, que la Justice s'en prend toujours aux petites gens, jamais aux femmes riches, faisant partie de la bourgeoisie, connues, ou mariées à des hommes importants.
Les dessins sont, je l'ai dit, magnifiques, très justes, vrais, le trait est franc, les couleurs sont un peu surannées, marquant les années 70. Certaines images sont sur une page entière, souvent en fin de chapitre, pour marquer un grand coup, et j'ai été touchée par l'image de la mère qui apprend par sa fille de quinze ans qu'elle n'a pas fait l'amour avec ce garçon, elle a été forcée. La femme n'est plus qu'une silhouette blanche, comme un fantôme, les mots "J'ai été forcée" se répètent à l'infini, le carrelage de la salle de bain devient déstructuré, le fond de l'image est un noir fondu. Cela représente bien le choc qu'a dû ressentir cette mère aimant ses enfants en apprenant cette horrible chose.
D'autres images sont remarquables, les envolées de manche de Maitre Halimi, la soumission mais aussi la détermination dans le regard des accusées, l'émotion lors du verdict, ainsi que lors du résultat du vote de l'Assemblée Nationale le 26 novembre 1974.
Une très grande BD !