Le Royaume-Uni, pendant les sixties. Les fées se sont dévoilées depuis quelques années, mais elles ont du mal à s'intégrer parmi les humains, qui rejettent en masse cette minorité en l'accusant de tous les maux.
Plusieurs auteurs explorent ce même univers et nous proposent de le découvrir à travers quatre histoires différentes et complémentaires.
Carrie, d'Alice Geslin (scénario) et Loreto Aroca (dessin et couleur)
Carrie est une jeune journaliste londonnienne, cantonnée aux menues besognes à cause de son sexe. Elle découvre qu'elle est à moitié fée, puis l'histoire de ses parents, et décide de remonter la trace de sa mère ; celle-ci s'est sacrifiée pour la protéger d'un kelpie maléfique qui profite de la nature pacifique des fées pour les contraindre à lui livrer des bébés.
On ouvre le recueil avec une histoire pas trop sombre, sur le mode enquête. Certes, le sort des fées parmi les humains n'est pas toujours rose, mais Carrie va rencontrer de belles personnes et recevoir de l'aide au bon moment, pour une happy end. Les dessins sont très lisibles et nous plongent avec aisance dans l'ambiance des sixties. Un peu trop de texte à mon goût par contre, ce qui alourdit certaines planches, mais une histoire globalement sympa.
Annan, de Gihef et Christian Lachenal (scénario), Alberto Zanon (dessin), Fabs Nocera et Yellowhale Comic Studio s.r.l. (couleur)
(précédemment édité en tant que tome 2 de la série Fées des sixties sous le titre L'ange de Manchester en 2023)
Attirée par les humains et l'envie de devenir une star de la chanson, Annan quitte sa forêt écossaise natale pour Manchester. De mauvaises rencontres en mauvaises rencontres, elle ne va pas tarder à se rendre compte que les humains ne sont pas aussi gentils qu'elle l'espérait. Bientôt, Stella, sa nouvelle compagne, disparait en la laissant désemparée. Elle n'est pas la première jeune personne à avoir mystérieusement disparu dans les environs.
Ce récit est bien plus glauque, mettant en avant quelques aspects bien moches de la nature humaine, mais heureusement là encore cela est contrebalancé par la force apportée par la communauté, les fées se serrant les coudes entre sœurs et bénéficiant également de l'aide de certains humains plus ouverts que les autres. Les dessins manquent parfois un peu de finesse, mais restent globalement plaisants.
Ailith, de Jul Maroh (scénario), Giulio Macaione (dessin), Fabs Nocera et Yellowhale Comic Studio s.r.l. (couleur)
(précédemment édité en tant que tome 1 de la série Fées des sixties sous le titre Les disparitions d'Imbolc en 2023)
Ailith a été prise à l'essai dans un journal londonien et est décidée à trouver un scoop. Pour cela, quoi de mieux que d'enquêter sur de récentes disparations pour prouver que les fées enlèvent des humains ? Près du cercle de fées où se sont passés les faits, Ailith rencontre Sidhe, une fée exilée qui lui propose de l'aider.
Clairement mon histoire préférée dans ce recueil ! On y découvre Avalon, d'où viennent les fées, mais surtout le magnifique personnage de Sidhe qui est "à la fois mâle et femelle, et en même temps rien de cela". Visuellement, les dessins sont riches et vraiment jolis, avec de belles scènes en forêt près du cercle de fées par exemple.
Amar, de Harry Bozino (scénario), Maria Riccio (dessin) et Florent Daniel (couleur)
Amar Singh est enquêteur à Londres. Envoyé en Ecosse enquêter sur le meurtre d'une fée, il espère également découvrir l'origine d'un trafic de poudres d'ailes de fée, une drogue qui décime la jeunesse londonienne. Bien vite, l'affaire part en vrille, les morts se succèdent.
On suit cette fois un protagoniste principal un peu différent, qui n'est ni une jeune femme ni une fée, mais un homme d'âge mûr. A l'instar des fées, il est cependant victime de discrimination raciste, car il est d'origine indienne, pratiquant le bouddhisme et portant un turban qui attire l'attention. Et là encore, on va découvrir des fées victimes de la bassesse des humains. Les dessins sont soignés et agréables à regarder, avec des personnages expressifs et bien croqués. Un très beau récit ici aussi, quoiqu'un peu complexe.
Les quatre histoires ont beaucoup de points communs, en plus de partager un même univers. On y revisite parfois les mêmes lieux, on y évoque parfois de mêmes personnages (après tout, deux des héroïnes sont journalistes au Daily Telegraph), on y enquête sur des disparitions ou autre... On y croise des passionnés de musique (les Rolling Stones, les Beatles...), des personnes ouvertement queer ou des couples mixtes... On s'enfonce dans les noirceurs de l'humanité, mais toujours tempérées par une touche d'espoir avec des personnes qui font fi des différences et avancent dans le bons sens. Ce recueil qui nous plonge dans un univers intéressant est une belle découverte.