Sa famille a toujours surnommé Tommaso "Masaccio", un surnom peu flatteur (le "balourd") mais qui passera à la postérité.
Il arrive enfin à Florence en 1418, après avoir piaffé devant ses portes fermées en temps de peste. Il fait immédiatement la connaissance des plus éminents artistes de son temps : Donatello, dont le David préfigure celui de Michel-Ange, Brunelleschi, l'architecte génial qui a conçu le dôme de la cathédrale de Florence, et Ghiberti, qui a signé les portes du baptistère. Masaccio, ce solitaire renfermé qui n'a pas conscience de l'être, découvre l'amitié avec eux. Et eux, bien plus âgés que ce tout jeune homme de dix-sept ans, reconnaissent immédiatement son génie, et l'adoptent.
Masaccio se met à peindre, et n'arrête plus : sa vie, c'est la peinture. Sa passion, c'est le rouge. Un rouge particulier, qu'il a inventé, entre carmin et vermillon, qui est sa marque de fabrique, et son obsession. Il innove sans s'en apercevoir vraiment, cherchant à rendre ce qu'il discerne de la vérité des êtres, loin du hiératisme, de la distance qui prévalait dans le style gothique. Son style heurte, dérange, enthousiasme, selon qui regarde. La compagnie de ses amis l'inspire en ce qu'avec eux il parle de volume, de distance dans l'espace, et bien sûr de perspective, et qu'il utilise ces discussions théoriques dans sa peinture.
Cette biographie romancée se lit avec un grand plaisir. L'autrice y a adopté un style haletant, de phrases souvent brèves, qui répond à la taciturnité de son sujet, à sa course perpétuelle, d'une ville à l'autre, d'une oeuvre à l'autre, et à la brièveté de sa vie. Les oeuvres marquantes du peintre y sont décrites d'une façon qui vise à montrer le projet de leur créateur, ce qu'il voulait exprimer en les peignant.
Elle rappelle aussi la révolution sociale et philosophique qu'a été la Renaissance, qu'annoncent et créent les artistes entourant Masaccio : d'un coup, avec la perspective, les "gens importants" se retrouvaient de la même taille et au même plan, traités de la même façon, que les "humbles". Par ailleurs, c'est un plaisir de découvrir la vie de la Florence de cette époque, par la tangente, puisqu'elle y insère ses personnages.
En somme, un livre tout à fait recommandable, que l'on connaisse ou non le peintre dont il évoque la vie.