Les Chroniques de l'Imaginaire

Passage de l’avenir, 1934 - Courban, Alexandre

Paris, février 1934. Le corps d’une jeune femme est repêché dans la Seine, non loin d’une usine sucrière. Alors qu’aucun élément ne permet d’établir formellement son identité, seules les mains abîmées de la victime, malgré des ongles paradoxalement impeccablement laqués, orientent les recherches vers le profil d’une ouvrière dont personne ne réclame le corps.

Accident, crime, suicide peut-être ? En dépit du manque d’éléments tangibles, l’instinct du commissaire Bornec en charge de l’affaire le lance rapidement sur l’hypothèse d’un meurtre. Une enquête qu’il va mener conjointement avec Gabriel Funel, journaliste à L’Humanité et bon connaisseur du milieu ouvrier qui s’empare de ce fait divers dans un Paris populaire au bord de l’implosion.

Pendant que l’actualité est mobilisée par une grande manifestation d’extrême-droite et par l’émergence d’un mouvement d’unité des forces de gauche, Bornec et Funel vont s’enfoncer dans un écheveau de trafics, corruptions et intimidations en tout genre afin de donner à voir et à entendre les visages et les voix d’une France invisible. 

Premier roman d’Alexandre Courban, historien et programmateur culturel, Passage de l’avenir, 1934 augure le début d’une série de cinq polars historiques prenant place dans le Paris des années 30, les années du Front Populaire. 

Une belle initiative que cette pérégrination dans les milieux prolétaires de l’entre-deux-guerres, période de l’Histoire que je n’ai, à regrets, pas encore assez abordée sous l’angle policier.

Si on sent tout particulièrement l’attachement de l’auteur à recontextualiser au détail près (numéro et rue) les lieux et les évènements de l’époque, on peine en revanche à trouver de la matière et de l'entrain au niveau de l’intrigue à proprement parler. Les personnages ne sont pas très attachants et leurs échanges manquent parfois de souffle pour qu’on espère décoller d’un polar plutôt assez classique et peu palpitant.

En revanche, on ne peut qu’apprécier le réalisme des situations rencontrées au fil des pages qui témoignent de la richesse et des efforts de documentation pour redonner vie aux anciens faubourgs de Paris et à toutes ces petites gens des bas-fonds lâchement reléguées dans les livres d’Histoire.

Ce qui m’amène également à souligner la forme du dénouement, appréciable et pour le coup originale, complétée par une chronologie ainsi qu’une liste des principaux personnages ayant existé et des principaux journaux de l’époque cités dans l’ouvrage.

Un livre d’archive précieux plus qu’un polar haletant pour comprendre le décor social (pauvreté, chômage), économique (déclin industriel) et politique (montée du fascisme) d’une période clé pour la France (instauration d’importantes réformes sociales) qui pourrait encore aujourd’hui nous donner quelques leçons ou au moins une bonne piqûre de rappel !