1845, l'amiral John Franklin se retrouve à la tête de deux navires et cent-trente-quatre hommes pour explorer le Grand Nord et découvrir le mythique passage du Nord-Ouest. C'est Jane, sa femme, qui l'a encouragé et décidé à accepter cette mission. John a survécu à la bataille de Trafalgar auprès de Nelson, puis a déjà tenté par la voie terrestre d'explorer les côtes du Grand Nord, ne devant sa survie qu'à sa volonté et à ses bottes... C'est cette épopée qui lui a valu d'attirer l'attention de Jane et qui a construit sa renommée.
Le problème, c'est que John a maintenant cinquante-neuf ans, qu'il s'est un peu embourgeoisé et qu'il n'est plus dans une forme physique étincelante. Mais, poussé par sa femme, il se lance quand même dans cette folle aventure qui s'annonce terriblement difficile.
Deux ans après son départ et sans nouvelles de l'expédition, Jane tente de remuer ciel et terre pour que l'on se lance à la recherche des deux navires disparus sans laisser de trace. L'Amirauté lui fait d'abord comprendre qu'il ne faut pas s'inquiéter, que c'est normal, que des vivres étaient prévus pour trois ans. Mais Jane ne veut rien savoir, elle sent qu'il s'est passé quelque chose, elle est rongée par l'angoisse et surtout par un sentiment de culpabilité.
C'est elle qui a insisté et poussé John à prendre part à cette expédition, par fierté mais par vanité aussi. Et c'est maintenant qu'elle se rend compte que son mari n'était pas au mieux de sa forme pour affronter les rigueurs terribles de l'Arctique, que sans son insistance il n'aurait jamais postulé.
Convaincue que son mari est toujours en vie, il a déjà échappé plusieurs fois à la mort, elle va tout tenter, tout essayer pour localiser l'expédition et le retrouver. Cela va devenir une obsession, elle va y perdre une partie de sa fortune, une partie de ses amis et une partie de sa raison. Tous les moyens seront bons pour mobiliser les Anglais, forcer la main de l'Amirauté, elle ira jusqu’à consulter des voyantes et cherchera à éliminer tous ceux qui n'iront pas dans son sens.
C'est cette quête que nous allons suivre au fil de ce roman et des années, cette recherche de vérité frôlant la folie. Cette folie qui pousse les hommes à se dépasser pour un peu de gloire et de reconnaissance.
Fabrice Humbert nous raconte le destin tragique de cette expédition qui a vraiment existé, tous les faits évoqués même les plus invraisemblables ont eu lieu. John Franklin a été cet homme qui a survécu à de folles aventures et qui, à l'heure de la retraite, s'est lancé dans une dernière épopée. Mais pour quel motif ? La gloire ou pour vivre une dernière chose avant de passer la main ?
Cependant, le personnage central de ce roman n'est pas John ni même l'expédition, c'est Jane. Cette femme imprévisible poussée par sa culpabilité qui va tout faire, user de tous les expédients pour retrouver son mari et construire sa légende. C'est là que le bât blesse, au cours des années et des expéditions de secours, elle va découvrir des choses qu'elle ne peut accepter et ne peut croire. Elle va alors éliminer tout ce qui va à l'encontre de la gloire de son mari et essayer de faire de lui un être à part qui mérite toute la reconnaissance de son pays.
Aborder le sujet de ces grandes expéditions polaires par le bais des proches des explorateurs est original mais cela fait manquer de souffle au récit. C'est un peu dommage car il fallait un peu de folie pour se lancer dans ces aventures avec les moyens de l'époque, affronter ce froid intense pendant des mois voire des années, ce blanc sans fin, cet ennui lorsque les bateaux étaient bloqués par les glaces. Après cette lecture, on n'en sait pas vraiment plus sur les motivations de ces hommes et de ce John Franklin qui n'avait plus rien à prouver.
La folie est omniprésente dans ce récit, celle des explorateurs, celle de Jane, celle de ceux qui tentent de survivre et enfin celle provoquée par le Mal du Grand Nord, peut-être la plus destructrice.
Déçu par une précédente lecture de cet auteur, ce livre m'a un peu réconcilié avec son écriture qui est cette fois fluide et plaisante à suivre.