Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 235)

Les lecteurs attentifs auront remarqué le changement de police en couverture pour le nom de la revue, qui, avec la très belle illustration d'Erick Lefebvre, en prend du coup un petit air rétro-futuriste. Le volet Fictions qui ouvre la revue est aussi riche et varié que d'habitude. On y trouve :

Prendre le train pour Compostelle, de Jean-Louis Trudel : Indrek Kelm est physicien simulationniste, et travaille dans le domaine de la gravité. Invité à retourner sur Terre pour y poursuivre ses travaux, il doit réaccoutumer son organisme à la pesanteur terrestre après cinq ans sur la Lune. Il s'y attelle en prenant le train qui court autour de la Lune en changeant progressivement la gravité à son bord. Il y rencontre la danseuse Valory Jamal, fascinée par ses travaux, comme il l'est par sa beauté et sa grâce. Cette nouvelle qui mêle harmonieusement intérêt littéraire et hard-science est fort agréable à lire. J'en ai trouvé la fin un peu rapide, mais peut-être est-ce parce que l'univers qu'elle évoque m'a intéressée, me donnant le désir d'y rester davantage.

La voie ferrée, de Rosalie Demers : Deux meilleurs amis traînent comme d'habitude sur le chemin de retour de l'école, sur l'ancienne voie ferrée que l'on dit hantée. Décor évoquant de loin la nouvelle "ferroviaire" précédente, mais complet changement d'ambiance et de genre pour celle-ci. La progression vers le surnaturel est très bien maîtrisée, et la touche de gore ne nuit pas. Rien d'étonnant à ce que cette nouvelle aboutie soit le texte gagnant du concours de nouvelles Huis Clos - Boréal et Les Montagnes Hallucinées.

La bibliothèque, de Martina Chumova : Une vision fantastique des différents usagers de la bibliothèque, vue comme une sorte de trou noir. Je ne suis pas vraiment entrée dans ce texte court, mais il est incontestablement original, et je ne suis pas étonnée qu'il ait gagné le concours d'écriture sur place du Congrès Boréal, catégorie "Pro".

Le limaçon téméraire, de Clélia Pulido-Ferrois : Une histoire de super-héros vantard dans le monde des gastéropodes. Ce texte est haletant, imaginatif et plein d'humour, et il a gagné le concours d'écriture sur place du Congrès Boréal, catégorie "Relève", ce qui ne me surprend pas.

Celle qui ne voulait pas mourir seule, de CM Deiana : La Terre est inhabitable et tous les humains sont morts. Unique rescapée, Charles a le choix de ce qu'elle vivra, et quand. Sur des thèmes science-fictifs classiques, cette nouvelle tire bien son épingle du jeu de l'originalité grâce à sa méditation éthique tout en douceur.

Crache le cash, junkie !, de Josée Bérubé : Saturée de gâteau aux lumières, Mygale voit des choses, et quelque chose entre en communication avec elle. Dans cette nouvelle exigeante, et plus originale qu'on ne le dirait à première vue, j'ai bien aimé la tendresse évidente de l'autrice pour ses personnages, et une pirouette finale particulièrement bien amenée.

La physique des satellites, de Frédéric Parrot : Quand Fanx Xavier l'a installée en orbite, avec son dépanneur, Maïa avait compris que c'était un départ définitif. Mais ce n'était pour lui qu'une transaction commerciale sur laquelle il était possible de revenir. Une histoire douce-amère sur les différences de perception et la valeur des souvenirs.

Dans ses Carnets du Futurible, Mario Tessier vous dit tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les trous noirs, et notamment les hypothèses que l'on a élaborées à leur sujet au cours de l'histoire, puis comment ils ont été découverts, et continuent de l'être. Bien sûr, il propose également un catalogue des oeuvres les concernant, tant à l'écrit qu'à l'écran.

L'extrait du Daliaf de Claude Janelle présente l'origine des recueils de contes diffusés dans la première moitié du XXe siècle. Il s'agit d'une publication en anglais The Journal of American Folk-lore, un trimestriel universitaire. Cet article suffirait à montrer, s'il en était besoin, combien est fouillé le travail de l'auteur !

Je trouve souvent des sources d'inspiration pour de prochaines lectures dans les critiques de Solaris, mais j'avoue être cette fois restée sur ma faim, car pour une fois les parutions des éditeurs du côté européen de l'Atlantique étaient totalement absentes. Aurai-je droit à une double portion dans le prochain numéro ?