Les Chroniques de l'Imaginaire

Les nuits sans sommeil du maréchal Paulus - Duroy, Lionel

Septembre 1943, le maréchal Friedrich Paulus rédige des mémoires alors qu'il est prisonnier des Russes. Cela fait maintenant six mois qu'à la tête du reste de sa sixième armée, il a capitulé à Stalingrad après des mois de bombardements intenses. Cette longue et terrible bataille a coûté près de sept cent mille hommes aux Allemands et à leurs alliés et est un tournant dans la guerre. L'entêtement d'Hitler à conquérir cette ville et à y maintenir la sixième armée alors qu'elle risquait l'encerclement a été une erreur stratégique qui a brisé la marche en avant des forces allemandes sur le front de l'Est.

C'est suite à sa capture que Paulus revient sur son passé et réfléchit à son ascension militaire qui doit beaucoup à l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Comment en est-il arrivé là et pourquoi l'a-t-il suivi aveuglément ?

C'est une remise en question de son engagement et surtout de son obéissance aux ordres les plus fous d'Hitler.

Lionel Duroy, par le biais de ces mémoires du maréchal Paulus, revient sur ces généraux de la Wehrmacht qui, sans être des nazis convaincus, ont suivi scrupuleusement les ordres d'Hitler dans les différentes campagnes militaires, sans jamais les contester et encore moins y désobéir. Paulus n'a jamais eu la carte du parti nazi. Lors des campagnes de Pologne ou de Russie, il se range plutôt du côté des généraux qui respectent les codes d'honneur de la guerre, tel le général Blakowitz qui dénoncera et arrêtera des SS coupables de crimes de guerre.

Cependant, Paulus obéira aux ordres les plus insensés d'Hitler alors qu'il sait que des dizaines de milliers de ses hommes vont souffrir et mourir dans des conditions terribles. Conscient de la folie d'Hitler, il ne désobéira pas sauf lorsqu'il lui sera fait comprendre qu'en tant que maréchal il doit se suicider plutôt que se rendre. Comme beaucoup d'officiers, s'il a suivi le Führer c'est plus par esprit de revanche et pour rendre à l'Allemagne sa grandeur passée. Il a vu ce que la politique du Reich a rendu possible, une puissance militaire accrue et des Allemands fiers de leur pays, de leurs soldats et se sentant invulnérables.

Dans ses réflexions, Paulus revient sur cette campagne de Russie, qui a vu se révéler le plus mauvais de l'homme et les pires atrocités commises par des Allemands fanatisés, permettant de lever le voile sur les véritables intentions des nazis. Alors, il s'interroge sur les raisons qui l'ont poussé à ne pas vouloir voir ce qu'était vraiment Hitler et sur le fait qu'à chaque fois que la voix de la raison incarnée par sa femme a tenté de lui ouvrir les yeux, il n'a pas réfléchi.

Est-ce que la loyauté du soldat à son chef explique tout ?

Ce récit est prenant, il permet de vivre du côté des vaincus l'un des épisodes les plus sanglants de la guerre, mais aussi de comprendre ce qui a motivé ces généraux à suivre la folie d'un homme. Tous n'étaient pas des nazis mais ils ont pour la plupart appliqué ses ordres sans trop tergiverser, rappelant ce qu'était cette dictature et ce qui arrivait à ceux qui désobéissaient.

Il est bon aussi de rappeler que certains ont refusé d'appliquer les ordres les plus iniques comme les généraux Blakowitz et von Choltitz et ont eu le mérite de suivre leur honneur plutôt que la folie de leur chef.

Paulus va par la suite appeler à renverser Hitler, certes alors qu'il est prisonnier des Russes, et ira jusqu'à témoigner contre ses compatriotes au procès de Nuremberg. Le destin de ce bon petit soldat obéissant jusqu'à sa capture puis dénonciateur du régime pour lequel il a combattu est assez unique. Il ne reviendra jamais en Allemagne de l'Ouest et finira sa vie en RDA. J'ai apprécié découvrir l'histoire de cet homme sous la forme d'un roman qui décrit les réflexions d'un soldat qui s'est fourvoyé avec le pire de l'Humanité.

J'aurais aimé aussi savoir si son revirement était vraiment sincère ou plutôt une sorte d'opportunisme lui permettant d'améliorer ses conditions de détention ou espérer une libération anticipée.