Romy a vingt ans et rêve de devenir comédienne. C’est pourquoi elle a quitté Toul, sa ville natale de Meurthe et Moselle, pour monter à Paris et « faire le cours Florent ». Mais ce rêve a un coût, et Romy doit travailler la nuit pour pouvoir prendre ses leçons le jour. Elle est donc danseuse dans une boîte à strip-tease de Pigalle et elle cherche un endroit où loger pour les trois prochaines années qu’elle doit passer au cours Florent. Rencardée par une copine, elle fait la connaissance d’Odette, de presque quatre-vingt-dix ans, qui l’accepte chez elle contre un petit loyer et de la compagnie.
Entre les deux femmes va se tisser une relation étrange, où chacune se voit dans le reflet de l’autre, où la violence n’est pas exclue, où l’une et l’autre vont tout faire pour garder une emprise sur leur vie. Romy a eu une enfance difficile et elle est bien décidée à tout faire pour réaliser son rêve. Même si Odette tente de ne la garder parfois que pour elle. Jusqu’où les deux femmes iront dans cette relation qui prend parfois des tournures un peu extrêmes ?
En lisant cette histoire, je ne savais pas qu’il y avait un roman qui le précédait et où on découvrait Romy enfant (Une histoire de France), il me manquait donc quelques clés pour bien cerner la psychologie de Romy, mais même sans ces clefs, on comprend très vite que Romy n’a pas eu une enfance ni une adolescence des plus paisibles. Et cela se ressent dans ses relations avec les autres, que ce soit ses amants, ses amis, ou même ses professeurs de théâtre. Romy veut exister pour elle-même et par elle-même et elle est prête à tout pour réussir.
Divisé en trois parties qui représentent chacune un an de cours Florent, on plonge donc dans la vie de Romy, et on la suit dans ses pérégrinations entre le club de strip-tease, la scène de théâtre, les relations avec son Jean, son amant de cœur, mais aussi les grands palaces où elle cherche des hommes afin de payer ses factures. L’autrice ayant elle-même fait le cours Florent, elle nous retranscrit très bien l’atmosphère qui peut régner dans ce lieu où tant d’apprentis acteurs placent leurs espoirs.
Odette m’a tout de suite fait penser à la Tatie Danielle du cinéma, car elle est capable des mêmes bassesses que Danielle, mais pas pour les mêmes raisons. Odette se sent seule et aimerait être encore une petite fille. Tout le contraire de Romy qui aimerait se débarrasser de sa petite fille intérieure qui a des comptes à régler avec son passé. Les deux femmes forment un étrange duo, sans qu’aucune soit dupe de l’autre, et elles se font des coups bas pour obtenir ce qu’elles veulent l’une de l’autre. C’est une dynamique étrange qui donne tout le sel à l’histoire et que j’ai beaucoup apprécié de lire.
J’étais contente de lire les passages sur la ville de Toul que je connais très bien puisque j’ai grandi juste à côté. J’avais l’impression de me promener là où Romy était, et l’autrice a bien rendu l’atmosphère tristounette qui règne parfois dans une petite ville de province.
Ce roman peut tout à fait se lire sans avoir lu le précédent, même si je pense que j’aurais mieux compris dès le début les réactions et les réflexions de Romy si j'avais connu son passé. Mais cela reste un très bon roman à découvrir, qui mérite le prix qu’il a reçu en 2022.
