Les Chroniques de l'Imaginaire

Les conditions idéales - Amoudi, Mokhtar

Skander est un enfant de l’ASE (l’aide sociale à l’enfance). Il ne voit sa mère que de façon sporadique et il est donc confié à une première famille d’accueil chez qui il se sent bien puis, à la suite du décès de sa nourrice, chez Madame Khadija, en banlieue parisienne.

Skander est un enfant chétif et plutôt réservé, passionné par l’Histoire, le dictionnaire et la lecture. Mais ressembler à un intello, c’est s’attirer des ennuis et c’est difficile pour lui de se faire une place dans sa nouvelle ville. Quand arrive l’adolescence, il tente de s’intégrer dans son quartier et de se faire de l’argent facile tout d’abord en cherchant des petits boulots puis en approchant les vendeurs de drogue du coin, avec qui il est « ami ».

Mais en s’intégrant dans la bande du Grand Quartier, il s’éloigne de son rêve de devenir quelqu’un, en-dehors de ce quartier…

Inspiré de la propre vie de l’auteur lui-même placé à l’âge de deux ans, ce roman nous plonge dans l’histoire de Skander, un enfant balloté entre sa famille d’accueil et sa mère qui, au fur et à mesure qu’avance l’histoire, lâche de plus en plus la rampe jusqu’à finir en prison, sans que son fils en soit informé.

Après un passage de quelques années dans une première famille d’accueil, Madame Khadija l’accueille. Il est son premier enfant placé, et elle compte sur le revenu régulier qu’il lui rapporte pour vivre, mais aussi pour financer sa famille restée au bled. Skander le comprend très vite, tout comme il comprend que s’il veut se faire une place dans le quartier, il doit se débrouiller tout seul. Mais c’est loin d’être facile, tiraillé comme il est entre son rêve d’enfant de devenir quelqu’un et de s’en sortir honorablement et son envie d’intégrer le quartier où il passe son adolescence.

C’est avec une plume qui sonne terriblement juste qu’on suit les tribulations de cet adolescent qui essaie en permanence de tirer le meilleur parti des situations dans lesquelles il se trouve. Il s’adapte à son environnement, un peu comme un caméléon, tout en sentant au fond de lui que sa place n’est pas vraiment ici. Tout comme elle ne l’est pas encore ailleurs, car il n’a pas les bons codes ni la bonne éducation.

Il y a parfois une forme de défaitisme dans la façon dont Skander accepte les choses, mais jamais il ne reste les bras croisés. Il va au-devant de sa mère, il essaie de gagner de l’argent mais aussi d’obtenir la reconnaissance de ses pairs du quartier et il ne se laisse jamais faire. Et au fond de lui il sait qu’il ne démérite pas et il le prouve à la fin du roman en obtenant son bac après un travail de rattrapage acharné.

Cette rédemption par l’éducation n’arrive pas trop tard pour le héros de l’histoire, et l’auteur en profite pour montrer que certaines institutions font de leur mieux pour s’occuper des jeunes dont ils ont la charge. Travail difficile étant donné le public jeune et très souvent défavorisé, mais la réussite de l’auteur est un travail et la réussite de toute une équipe car comme il le dit « tout seul face à ce monde, ce n’est pas possible ».

Un très bon roman qui ne tombe jamais dans le misérabilisme, avec un personnage principal à la fois attachant et tête à claque, mais qu’on prend plaisir à suivre jusqu’à son entrée dans l’âge adulte.