Les Chroniques de l'Imaginaire

Demain commence hier - Barlow, George W.

L'oeuvre de cet auteur est peu connue en France, du moins pour ce qui concerne ses propres oeuvres, car les lecteurs et lectrices les plus anciens du genre auront au moins eu la possibilité de saluer son travail d'anthologiste et de traducteur pour sa préparation et sa traduction des volumes sur John Brunner, Arthur C. Clarke ou Harry Harrison dans la collection Le livre d'or de la science-fiction.

Les nouvelles rassemblées dans ce volume, préfacé par Jean-Pierre Andrevon, vieil ami de George Barlow, couvrent une période allant grosso modo de 1960 à 1980. L'auteur explique, dans l'entretien avec Andrevon qui suit les nouvelles, que par la suite il a eu moins d'opportunités de publication, sans compter que son travail professoral, d'une part, et son activité d'anthologiste et de traducteur, d'autre part, l'occupaient déjà "frénétiquement".

L'âge de ces textes est malheureusement perceptible à plusieurs niveaux. Par leur style, d'abord : certes, pour la puriste du français que je suis, il est infiniment agréable de constater l'absence de faute d'orthographe, sans compter la variation très bien maîtrisée des niveaux de langue, admirable notamment dans A l'ombre d'une jeune fleur ou Poisson aveugle. Et j'ai aussi apprécié l'humour de ce parfait bilingue quand il s'est agi de créer de toutes pièces un franglais crédible dans Les Dragos. Mais si l'on regarde au-delà de la nostalgie, on peut trouver certaines nouvelles inutilement longues et verbeuses, par exemple A l'ombre d'une jeune fleur ou Des fleurs sur son fumier, dont on voit venir la fin de loin. Je ne suis pas sûre par ailleurs que les plus jeunes générations de lecteurs et lectrices connaissent assez la mythologie, ou d'ailleurs la littérature, générale ou SF, pour apprécier les références de plusieurs nouvelles.

Par leur thème, ou sinon la façon dont ledit thème est traité : le mélange espionnage-SF de l'âge d'or de L'effeuilleuse affolée, ou l'exploration spatiale avec les défauts de compréhension de l'écologie extra-terrestre, dans Des fleurs sur son fumier, ne seraient sans doute pas publiés à l'heure actuelle sans être soupçonnés de racisme (spécisme, en l'occurrence, sans doute). Quant à l'humour noir de Les Dragos il n'aide pas vraiment à supporter le discours de l'un des personnages, malheureusement trop plausible à l'heure présente, ou à peine dystopique.

Il n'empêche que certains textes sont de vrais plaisirs de lecture, notamment Trois variations concertantes sur un thème à deux temps, avec ses trois parties où l'on voit comment des "voyageurs vers le futur" sont frustrés des lendemains qui chantent qu'ils espéraient, Obole à Charon, une nouvelle fantastique assez classique mais de belle facture, à la fin de laquelle le mystère reste entier, et surtout Demain les chiens... et les chattes, avec sa référence évidente à Clifford Simak, mais aussi à Isaac Asimov en ce que le chien en question est un robot obéissant aux lois de la dog-matique (!), dont l'humour, pour le coup, fonctionne toujours et dont la progression comme le rythme sont parfaits.