Les Chroniques de l'Imaginaire

Entre nos mains - Vonarburg, Elisabeth

Au départ, le tout jeune Matthew Viateur est une énigme pour Tamri : apparemment un Pure très mâle, il se révèle être un bimanu quand il ôte ses gants. Mais il est envoyé par Ryü, qui l'a guidé sur une partie du parcours et lui a dit de s'adresser à Tamri pour la suite. Mais il va à Babel, là où vivent les parents de Tamri.

Au cours de leur voyage, Matthew va en révéler plus à Tamri, et d'abord qu'il vient d'apprendre que sa sœur aînée, Adiah, n'est pas, contrairement à ce qui lui avait été dit, morte de sa transition de bimanu et des "tentatives de guérison" appliquées par leurs parents et les autres membres de la secte au sein de laquelle ils sont nés. Dans certains endroits, il n'est pas bon se révéler différent, or les deux jeunes Viateur sont différents même des Alternes comme Tamri et Ryü, qui changent de sexe tous les cinq ans.

On retrouve bien dans ce texte court les caractéristiques de Vonarburg : un style dont les ellipses, pour le coup, avec l'omission des pronoms personnels devant les verbes à la troisième personne, par exemple, sont parfaitement adaptées, une écriture très lisible et qui joue avec la langue pour dire ce qui est nécessaire à l'intrigue (symbiote / synbiote) ; des personnages façonnés par une histoire qui se révèle par bribes, progressivement, comme d'ailleurs l'univers spatio-temporel dans lequel ils évoluent.

Les thèmes aussi sont récurrents, avec au premier chef celui du rapport à l'autre, de la différence entre soi et l'autre, mais aussi entre ces différentes versions de soi qui peuvent naître de l'avancée en âge : on n'est plus à cinquante ans qui on était à vingt, par exemple. Et ces modifications inévitables, emblématisées ici par l'alternance forcée entre les genres, peuvent rendre compliquées à la fois la reconnaissance de qui l'on est et l'acceptation de soi, comme les relations avec d'autres personnes, surtout quand celles-ci Alternent elles aussi.

Les lecteurs et lectrices du Silence de la Cité en reconnaîtront certains aspects, même si l'univers de cette novella est non seulement différent mais aussi nettement moins sombre. On retrouve aussi ici les "sirènes"-qui-n'en-sont-pas des nouvelles de La maison au bord de la mer, par exemple. Pour ceux et celles qui ne connaîtraient pas (encore) l'écrivaine québécoise, ce texte court et accessible donnant une idée assez précise de sa façon d'écrire peut constituer une bonne introduction à son oeuvre.