Evangelos, ancien agent du renseignement grec, est à Zurich chez sa fille Andromède pour passer les fêtes de Noël. Après une bonne dizaine d'années passées en Suisse, celle-ci a décidé de rentrer en Grèce avec sa famille. Evangelos est heureux car il va enfin pouvoir profiter de sa petite-fille Zoï qu'il a peu vue depuis treize ans. Andromède lui propose alors de ramener leur voiture de luxe par la route pendant qu'eux prendront l'avion. Il accepte avec plaisir, conduire lui permet de faire le vide, de réfléchir à tout et de laisser divaguer ses pensées comme au temps où il était policier et passait des heures en planque.
Après la traversée des Alpes, Evangelos décide de prolonger le plaisir en descendant plus bas en Italie pour prendre le ferry et débarquer en Albanie. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est la tempête de neige qui l'accueille là-bas et encore moins ce message de sa fille : Zoï a disparu.
Reprenant ses vieux réflexes d'enquêteur, Evangelos décide de rebrousser chemin et de profiter des longues heures de route pour réfléchir aux différentes causes de la disparition de sa petite-fille qu'il connaît si peu finalement. Nous partons alors dans une enquête à distance tout au long de la route qui ramène Evangelos vers sa fille.
Je ne connaissais pas ce personnage qui en est à sa deuxième aventure, ce vieil agent qui revient sans cesse sur sa vie passée et qui voit les choses avec philosophie. C'est quelqu'un de plutôt intéressant à suivre et d'autant plus lorsqu'il revient sur les années de plomb de la Grèce sous la dictature des colonels. Il était alors un jeune policier, plutôt naïf, tellement absorbé par son travail qu'il ne se rendait pas vraiment compte de tout ce qui se passait dans son pays ou ne voulait pas vraiment le voir.
Ce polar nous permet de traverser les routes sinueuses des Balkans et de suivre ce périple tumultueux nous entraînant dans plusieurs pays liés par l'Histoire. C'est l'occasion aussi pour Nicolas Verdan de nous faire découvrir cette pratique de l'ancien Empire Ottoman qui consistait à capturer les aînés et les plus belles filles des familles chrétiennes et à les emmener en Turquie pour les rééduquer et leur faire perdre toute trace de leur culture d'origine. On l'appelait alors "le ramassage des enfants" ou "la récolte des enfants" qui donne son titre à ce roman.
Cette intrigue est jalonnée de fausses pistes où l'auteur se plaît à nous emmener. Les histoires s’emmêlent, les sujets se croisent, lui permettant ainsi de tirer plusieurs fils narratifs à la fois. Les réflexions sont nombreuses sur la place des enfants dans le monde actuel, sur la religion, sur la modernité ainsi que sur les réseaux sociaux qui ont pris une place démesurée dans la vie de ces adolescents parfois perdus dans ce monde ultra connecté.
Ce polar est efficace, le personnage principal atypique et le contexte historique et culturel donnent tout leur intérêt à cette enquête.
