Après les événements de Bulikov, qui lui ont coûté sa main gauche, la générale Turyin Mulaghesh a décidé de prendre sa retraite. Elle s'est installée dans une petite maison au bord de la mer et compte bien y finir ses jours en paix. Inutile de préciser qu'elle n'est pas ravie de voir débarquer un messager envoyé par la Première ministre Shara Komayd. Celle-ci a besoin d'aide pour démêler un mystère à Voortyashtan, sur le Continent.
Cette antique cité côtière était jadis le siège des adorateurs de Voortya, déesse de la guerre et de la mort. Elle a évidemment perdu de sa superbe depuis que les divinités du Continent ont été abattues lors de la guerre contre Saypur, mais elle reste un avant-poste intéressant pour les Saypuriens, qui s'efforcent d'en reconstruire le port avec l'aide des Dreylings. Les travaux avancent bien et ont même permis une découverte prometteuse : la thinadeskite, un mystérieux minerai aux propriétés conductrices surnaturelles. Pourrait-il s'agir d'un matériau divin ?
Pour tirer les choses au clair, Shara a envoyé sur place une agente qui a disparu sans laisser de traces. La mission de Mulaghesh consiste donc à se rendre à son tour à Voortyashtan pour élucider tous ces mystères. Entre l'hostilité des autochtones, la duplicité des Dreylings, la méfiance de ses compatriotes saypuriens et son propre passé qui la ronge, autant dire que la tâche n'aura rien d'aisé.
Robert Jackson Bennett prend son lectorat à contrepied en changeant de protagoniste pour ce deuxième tome des Cités divines. Réduite à quelques apparitions ponctuelles, Shara laisse sa place à Mulaghesh, l'une des grandes gueules du volume précédent. Bien qu'elle ne dispose pas des mêmes atouts que Shara, étant davantage portée sur l'action que sur la réflexion, elle s'avère tout aussi portée à l'introspection et ses luttes intérieures sont encore plus intéressantes. Hantée par les atrocités qu'elle a commises au cours de sa carrière militaire, la générale s'efforce tant bien que mal de faire ce qu'elle estime être juste, ce qui n'est pas toujours facile. Les personnages qui l'entourent forment des contrepoints intéressants à sa vision du monde, même si certains semblent parfois un brin caricaturaux.
L'intrigue est construite sur le modèle de celle de la Cité des marches : une disparition, une enquêtrice, des complots, une menace surnaturelle venue du passé. C'est une recette qui fonctionne bien et les différences sont suffisamment nombreuses pour éviter l'impression de redite. Si les dialogues restent savoureux, la tonalité générale est plus sombre, avec une réflexion sur la violence, sa légitimation, la fin qui justifie les moyens et autres sujets à la fois éternels et d'une inquiétante actualité en 2025. On aura tout de même droit à un peu d'humour et d'espoir pour refermer le livre sur une note douce-amère plutôt que franchement noire.
Voilà quelque chose de rare pour une trilogie de fantasy : un tome 2 qui s'avère aussi bon, sinon meilleur, que le tome 1. Je me demande bien ce que nous réserve Robert Jackson Bennett pour le tome 3 !