Quelle femme n'a pas rêvé d'améliorer son apparence ? Les images féminines médiatisées mettent en valeur un corps féminin parfait, dépourvu à la fois de graisse et de toutes ces traces que la vie y imprime. S'y comparer revient à se déprécier constamment, sauf à se prendre sévèrement en main, avec un programme à la fois physique et mental. Bienvenue dans Re:Start.
Des deux fondatrices, seule reste Geneviève Legrand, après la mort de Pauline Marchand. Après des débuts modestes autour d'un concept de base et quelques convaincues, elles ont créé toute une gamme de produits : coupe-faim, maquillage, compléments alimentaires... A présent, c'est toute une ville, Re:Start, qui héberge les femmes qui souhaitent "devenir la meilleure version" d'elles-mêmes.
Outre les rumeurs de dérive sectaire, il y a des éléments dérangeants, à commencer par ces trois disparues dont l'entreprise soutient qu'elles étaient parties à la fin de leur séjour, mais que personne, jamais, n'a revues. Or Mona est sûre que ces disparitions sont suspectes. Alors, elle enquête sous couverture, avant même d'être touchée par la décompensation brutale de son amie Calliste.
Le prologue donne le ton, on sait tout de suite que la lecture va être exigeante : âmes sensibles s'abstenir ! L'autrice ne prend pas de gants pour démontrer à combien de pression les femmes sont soumises, ni les extrêmités auxquelles elles sont prêtes à aller pour se conformer à des règles impossibles. Elle démonte du même coup le modus operandi des sectes qui font croire à leurs membres qu'ils sont élus, et les coupent de leur famille et de tout secours, afin de mieux se nourrir d'eux. Les diverses catégories de membres créent une hiérarchie entre eux, en éliminant de fait toute solidarité. La sororité ici n'est que de façade, alors que la compétition est acharnée, et que chacune est à la merci de chaque gramme repris, de toute stagnation sur une progression imposée de l'extérieur.
Elle donne aussi une voix à toutes ces femmes qui se sont imprégnées, jusqu'au plus profond de leurs ressentis corporels, des exigences d'une société dominée par les hommes, leurs vues et leurs désirs. L'horreur est que même dans un cadre mis en place par des femmes, les règles du capitalisme patriarcal restent actives : il n'est aucune libération possible, et la fin, à cet égard, est pour le moins en demi-teinte.
Manifeste autant qu'oeuvre littéraire, ce court roman coup de poing est à lire d'abord pour entendre la voix de toutes celles d'entre nous qui souffrent dans leur corps.