Les Chroniques de l'Imaginaire

Adieu, Dakota - O'Brien, Dan

Informé que le cancer de sa mère a récidivé en force par le Dr McQuarrie, qui a soigné toute sa famille, Jason quitte l'établissement où il enseigne dans le Colorado pour rentrer au ranch dans le Dakota. A son arrivée, il trouve sa soeur Elizabeth épuisée, son mari Tyler fatigué aussi, et leur fille, Megan, absente. Sa mère est clairement mourante, mais son courage reste intact, comme la curiosité qui la portait tant vers l'Histoire que vers les oiseaux de sa terre d'adoption.

Jason mesure à la fois ce qui est resté semblable de ce lieu où il a grandi, et ce qui change de plus en plus vite, avec l'exploitation pétrolière qui gangrène toujours plus le paysage. Il retrouve aussi ses souvenirs intacts, avec la peine qu'ils portaient avant son départ, à laquelle s'ajoutent ses remords d'être parti, ou d'avoir oublié cette douleur.

Ce roman est la chronique d'une mort annoncée dans le titre. Certes, il dépeint l'accompagnement par Jason des derniers jours de la vie de sa mère, mais surtout il montre combien l'exploitation pétrolière par fragmentation détruit un écosystème vivant. Or "on pouvait tomber amoureux d'un seul et unique paysage [...et] quand l'objet de votre amour commence à disparaître, vous êtes blessé, endeuillé".

Au même titre que le paysage dévasté, tous les personnages sont abîmés, de la jeune Megan révoltée en échec scolaire à Bobby McQuarrie amputé de trois doigts et qui de ce fait ne peut plus ni chasser ni forer, en passant par Darrell qui ne se pardonne pas son échec à tenir les compagnies pétrolières à distance. D'une certaine façon, on pourrait dire que le plus ravagé de tous est le violent Emory, dont la vie n'a jamais été autre chose qu'un déplacement lié au pétrole.

L'amour de l'auteur pour les espaces qu'il dépeint et les personnages qui les habitent transparaît dans cette histoire d'un monde en train de finir, avec cette emblématique scène des funérailles, où la nombreuse assemblée de la famille et des voisins est saupoudrée de la terre soulevée par le passage des semi-remorques. Entre fable écologique et représentation d'un monde agonisant, cette histoire de communauté humaine et animale en pleine transition touche chacun et chacune d'entre nous.

A la fois typiquement américain, et universel dans ces descriptions d'accompagnement des derniers jours d'un être cher, ce beau roman pudique est une lecture forte qui ne peut laisser personne indifférent.