Après l'échec de son mariage et le décès de son père, Yann, professeur d'histoire à la Sorbonne, décide de retourner un temps dans la demeure de son enfance à Saint-Malo. Des fenêtres de la maison, il peut admirer le littoral et l'île de Cézembre. Son père Charles avait repris le flambeau de l'entreprise maritime familiale créée par Octave, l'arrière-grand-père de Yann. Le caractère autoritaire et peu affectueux de Charles avait poussé Yann à se retrancher dans ses propres aspirations, celles d'un universitaire qui avait besoin de se détacher de sa famille. A présent qu'il est retourné aux Couërons, avec du temps à tuer, il entreprend de dépoussiérer les étagères du bureau d'Octave, alourdies de cahiers qui sont autant des témoignages des activités commerciales de son aïeul que de ses états d'âme.
La curiosité de l'historien est éveillée et Yann déterre alors des secrets à mesure qu'il en apprend plus sur sa famille. Une ombre plane sur Julia, la femme d'Octave, qui semble ne jamais s'être remise de la naissance de sa première-née. L'amour d'Octave et sa dévotion pour Julia transpirent des lettres conservées. Tout autant que sa passion pour l'ingénierie navale. Yann découvre l'existence d'associés, dont un député disparu mystérieusement. Et petit à petit, il comprend pourquoi des membres de sa famille se sont comportés comme ils l'ont fait.
Le récit suit le mouvement de la houle. Les chapitres courts sont une succession de petites vagues qui donnent leur mouvement à l'histoire. Une mer étale qui subit occasionnellement quelques avaries et qui continue de progresser à l'instar des marées, inexorablement, sans retournement de situation brusque. Les évènements et révélations sont amenés progressivement, par petites touches.
Cézembre est la démonstration qu'il n'y a pas besoin de rebondissements spectaculaires pour offrir un roman passionnant, qui offre au lecteur un suspense qu'il apprend à savourer. Car des questions surgissent au fur et à mesure que Yann découvre les carnets d'Octave. Des questions qui attendent des réponses aux qui ? comment ? pourquoi ? qui jaillissent successivement et qui retiennent notre attention pendant des centaines de pages.
L'histoire prend de l'épaisseur avec l'apparition de la joggeuse Reine des neiges qui fascine Yann et qui occupera une place prépondérante dans le récit. Elle apporte ce qui vient nous raccrocher avec Yann au temps présent, qui charrie son lot d'espoirs, de doutes et de peurs. Le quinquagénaire est un homme attachant, déboussolé face aux découvertes qu'il fait, touché par l'éloignement de son fils parti en Allemagne vivre ses rêves, blessé par son ex-femme, décontenancé face à un amour balbutiant... La sérénité du littoral et le retour aux vraies valeurs d'amitié et de temps retrouvé agissent comme un baume sur ses blessures.
L'écriture sophistiquée d'Hélène Gestern ajoute encore au charme de ce récit captivant, dans lequel la beauté du bord de mer est magnifiée. Elle nous propose une histoire intrigante, qu'on prend plaisir à voir évoluer lentement, sans une once d'ennui. Le seul regret possible est de ne pas avoir pu lire Cézembre en écoutant le ressac...
