Le vieil Aureliano est las de la mort, surtout violente, il en a trop vu dans sa longue vie. Alors, il ramasse les déchets marins pour en bâtir un mausolée, ce qui occupe aussi les enfants du village, et décompte mélancoliquement les morts. Et quand il a du réseau, il envoie des appels au secours comme autant de bouteilles à la mer.
Esfir se déplace sans cesse, d'un Grand Territoire à l'autre, d'un conflit à l'autre : conflit d'eau, de territoires, conflit de ressources, donc, la plupart du temps. Mais il peut aussi s'agir de batailles personnelles. Dans tous les cas, elle essaie de proposer une médiation, une sortie de crise par le haut, en s'engageant dans une action commune positive.
América Perez est chargée de faire en sorte que les GT (Grands Territoires) construisent une paix durable. Sa tâche n'est pas facile, notamment du fait que deux sur quatre sont totalement dégoûtés des antagonismes constants entre les deux autres, et du coup désertent la table de négociation. Comment les pousser à voir plus loin que leurs revendications étriquées ?
En 2098, pratiquement demain, il reste deux milliards d'habitants sur la planète, et un bon nombre d'entre eux se sont beaucoup déplacés dans leur vie, pour fuir la montée des eaux, la disparition de l'eau potable, ou à la recherche de moyens de ne pas mourir de faim. C'est là le point de départ du roman, et on ne peut pas dire que ce soit totalement invraisemblable.
L'originalité de ce court roman, c'est d'éviter la dystopie ou le post-apo bien noir pour mettre en scène des humains qui font ce qu'ils peuvent pour leurs "frères humains". Leur champ d'action est plus ou moins grand, comme le champ de vision s'agrandit d'une partie à l'autre de l'histoire, qui en comporte trois. D'une partie à l'autre, on verra également s'agrandir le type de société dont il est question, du petit village de deux cents habitants, à la bourgade, à la ville. C'est fort habilement fait, et les personnages eux-mêmes sont crédibles et touchants. Le style est aussi varié que les situations décrites, parfois poétique, ailleurs plus descriptif, mais toujours fluide.
Les références à l'irénologie, comme le rappel que les solutions à un problème ne peuvent venir que d'un cadre de référence différent de celui dans lequel se situe le problème, sont un moyen original et intéressant de proposer une science-fiction positive sans pour autant tomber dans l'angélisme, ni se situer dans un avenir mythique et assez lointain pour que tous les problèmes aient été quasi magiquement résolus entre-temps. De ce fait, j'ai trouvé que Xà~Ög et ses congénères ou autres étaient totalement superflus, et tendaient plutôt à affaiblir le propos, si celui-ci était de montrer que les humains avaient la capacité de se sortir seuls de leurs difficultés si seulement ils arrivaient à les affronter ensemble.
Il serait toutefois regrettable que ce bémol vous détourne de lire ce roman intéressant d'une jeune autrice française prometteuse, d'autant qu'il est léger dans une valise...