Abraham Winters, avec leur mère, a vu partir son frère trois ans auparavant, attiré qu'il était par Nacarat, ce Nouveau Monde où tout semble possible. Mais Jarod n'a plus donné de nouvelles depuis un an, leur mère meurt, et quand Abraham reçoit une lettre lui disant que son frère est prisonnier d'un monstre, la Harpiste, nommée ainsi car elle porte une Harpe en guise de tête, il part à son tour.
Arrivé à Symphonie, dont le territoire que s'est attribué la Harpiste fait partie, il finit par rencontrer un groupe de mercenaires engagés pour débarrasser le pays de la menace. Le continent de Nacarat est déjà assez dangereux, avec ces êtres quasi-surnaturels, mi-hommes mi-animaux que sont les greffés, mais c'est à Symphonie que la magie est la plus forte, attirant les chercheurs de pouvoir.
Abraham a du mal à s'intégrer à ce groupe, mais le fait qu'il soit le seul d'entre eux qui n'ait pas de greffe, ce qui lui épargne la faiblesse du "revers", est finalement vu comme une force compensant son absence de compétence guerrière. Peu à peu, les sept associés s'enfoncent dans le territoire, venant à bout des épreuves causées soit par Symphonie même, soit, ensuite, par la Harpiste elle-même.
L'ambiance western horrifique est à couper au couteau, et la tension ne retombe quasiment jamais de la première à la dernière page. Les lecteurs ou lectrices aux âmes sensibles devraient savoir que certaines scènes, en fait dès le prologue, sont très violentes. L'horreur tient tant aux greffes, dont certaines sont particulièrement monstrueuses, qu'au fait de l'esclavage imposé par la Harpiste, qui jouit de son pouvoir de déshumanisation de ceux et celles dont elle s'est emparé.
Les personnages sont peu nombreux, mais bien caractérisés, et si la façon dont l'histoire de chacun est racontée à tour de rôle est variée, le procédé est répétitif. Ce n'est là, toutefois, qu'un léger bémol, étant donné la variété de leurs greffes, revers compris, et de leurs parcours. Le lien central des deux frères est évoqué avec beaucoup de tendresse, et apporte quasiment la seule douceur dans cet univers sans pitié.
Le thème de la transformation de l'humain en autre chose, supposée être une augmentation, sinon une amélioration, est traité en demi-teinte, avec la description du "revers" de chaque mercenaire. Dans tous les cas, il s'agit de jouer à la divinité en "corrigeant" et maîtrisant la nature, et c'est en cela qu'on retrouve quelque chose du Frankenstein de Mary Shelley. La différence entre la greffe volontaire, née d'un désir de pouvoir, et celle imposée par quelqu'un d'autre, est décrite de façon intéressante en ce que l'autrice leur donne des conséquences différentes.
En somme, on a là une forme de magie très originale, dans un univers, celui du western, trop peu fréquenté en fantasy, et un roman bien construit, avec une couverture à la fois magnifique et parfaitement appropriée. Que demander de plus pour qui aime le gore et/ou l'horreur ?