Le jeune Georges Péan ne tient pas en place dans le cabinet de travail de son père, qui serait pourtant si heureux de le voir prendre sa suite. Il essaie d'abord de s'engager dans l'armée, mais cette expérience est de courte durée. Il se retrouve finalement engagé dans la Marine Royale. Prévu pour partir soutenir les Insurgents contre les Anglais, il manque le départ de son navire, s'en trouve un autre, et part pour Cayenne, où il passera trois ans, y vivant un naufrage, entre autres péripéties.
Le navire sur lequel il servait est capturé par la Royal Navy lors du voyage de retour. Heureusement, le jeune officier sera échangé très vite, et renvoyé à Brest. De là, il trouve un embarquement qui le ramène vers l'Ouest, lui faisant frôler la bataille des Saintes, puis vers le Nord dans la suite de M. de Lapérouse envoyé détruire les forts anglais de la baie d'Hudson. C'est au cours de ce voyage qu'il rencontrera les "Esquimaux".
Après un bref passage dans la marine commerciale, il repartira avec la Royale, cette fois vers l'Est, doublant le cap de Bonne-Espérance à destination des colonies françaises en Inde, puis de Macao. C'est au retour de ce grand voyage, en septembre 1789, qu'il apprendra avec stupéfaction les évènements du mois de juillet.
Le manuscrit racontant les aventures de ce jeune nobliau du XVIIIe siècle, présenté par l'historien Bruno Fuligni, nous rapporte de façon très vivante une civilisation disparue. Son auteur narre ses multiples aventures sous la forme de lettres à un ami rencontré durant l'émigration. Et aventures il y a ! Rien n'y manque : duels, naufrage, corsaire, batailles navales, captures, c'est un vrai catalogue de la vie d'un officier de la Marine Royale.
En creux, c'est aussi tout l'Ancien Régime que nous dépeint ce jeune privilégié totalement inconscient des avantages que lui accorde sa naissance, tout en se plaignant de soucis d'argent : les officiers et les matelots vivent sur le même bâtiment, mais appartiennent clairement à deux mondes différents, sauf en cas de naufrage. Il y a des restes des vertus de la chevalerie dans ce jeune homme qui, ayant blessé son adversaire lors d'un duel, le porte à un endroit où il pourra être soigné, ou qui félicite les Anglais qui l'ont capturé. Comme chacun d'entre nous, le narrateur a ses angles morts, mais il a aussi un regard aigu et professionnel, qui décrit les embarcations des "Esquimaux" ou celles croisées en Orient, avec précision.
On ne connaît qu'une partie de sa vie, puisque le manuscrit, daté de 1798, ne mentionne évidemment pas la mort de son auteur. On ne sait pas quand, où ni comment il est mort, mais son témoignage méritait d'être publié, et mis à la disposition d'un public plus large grâce à cette réédition en poche. Outre son intérêt historique, ou du moins anthropologique, il se lit comme un roman d'aventures maritimes. Que les amateurs et amatrices de ce genre trop monopolisé par les écrivains anglais ne s'en privent donc pas !