Les Chroniques de l'Imaginaire

Le désert des cieux (Noon du soleil noir - 3) - Kloetzer, L.L. & Fructus, Nicolas

Le fleuve Hlal monte, et menace notamment la toute nouvelle tombe grandiose que les Fossori, la confrérie des fossoyeurs, sont en train de bâtir dans les catacombes. Edmund Caven, le maître du chantier, veut croire que les murs résisteront à la poussée des eaux, et refuse d'entendre les cris d'alarme, d'où qu'ils viennent. Pendant ce temps, Meg, l'apprentie du sorcier Noon, utilise son nom et sa réputation pour gagner sa vie en l'absence du sorcier engagé dans une mission à l'extérieur de la ville. Or, même si elle est capable d'aller dans l'entre-monde et d'en revenir, certaines subtilités fondamentales de la magie et de ses liens lui échappent de façon dangereuse.

A son retour, Noon est engagé par le palais afin de découvrir les causes de l'effondrement partiel du vieil édifice. Il réalise très vite que le sortilège élaboré par Tubal est toujours actif, même si certaines parties du palais, construites par des mages moins doués, sont en danger. Toutefois, quand il découvre sur quoi repose ce sortilège, il est horrifié, et ne peut permettre à ce scandale moral de continuer, quelles que soient les conséquences. Sa commanditaire est alors contactée par Edmund Caven, motivé comme elle par le maintien du statu quo.

Je dirai d'emblée que pour apprécier cette histoire il est préférable d'avoir bien en tête les événements racontés dans La première ou la dernière. Contrairement à ce qui se passait pour celui-ci, qui pouvait à la rigueur se lire seul, cela ne me semble pas du tout possible pour ce troisième et dernier tome.

Si Yors reste le narrateur principal, il est plaisant de voir aussi l'action par les yeux d'autres personnages, notamment Meg, dont les talents se révèlent de plus en plus dans ce tome. De façon générale, l'univers s'approfondit à mesure que les personnages s'épaississent, tant dans la cité, avec les Fossori qui occupent une place prépondérante, à égalité avec le palais qui repose sur leurs catacombes, qu'au-dehors, avec ces visites fréquentes de l'entre-monde que font plusieurs personnages.

Ce développement des anciens protagonistes, comme l'apparition de nouveaux intervenants tout aussi complexes, au premier rang desquels Edmund Caven ou la pharmacienne Thisbé, est bienvenu, et incite à tourner les pages afin de découvrir la suite de leurs aventures. La puissance de Noon éclate dans ce tome, qui montre bien qu'elle dépend des liens créés par sa parole, et d'abord celle qu'il a donnée et qu'il respecte, contrairement à ce que fait Meg, par exemple. Un autre exemple, en miroir négatif, est celui du grand mage Tubal, prêt à utiliser tous les moyens, y compris les plus ignobles, pour arriver à ses fins, et gagner une certaine immortalité.

Le style est toujours aussi habile, maniant adéquatement les différents niveaux de langage, et parvenant à être lyrique par moment sans jamais cesser d'être rythmé. De ce fait, l'intrigue avance sans essouffler ni lasser le lecteur ou la lectrice. L'hommage à l'univers créé par Fritz Leiber dans son Cycle des Epées se marie harmonieusement à l'évidente influence shakespearienne, manifeste dans le prénom de certains personnages (Obéron, Puck ou Titania, mais aussi Cordelia ou Edmund) ou dans cette scène qui voit un assassin se laver interminablement les mains sans pouvoir en effacer ses crimes.

Comme les précédents, ce tome est magnifiquement illustré par Nicolas Fructus, et il n'était que juste que son nom figure sur la couverture avec celui des auteurs du texte. Cette trilogie originale confirme, s'il en était besoin, le talent singulier de ses auteurs, et je ne peux que recommander très vivement ce dernier tome, qui en noue élégamment tous les fils.