L'Homme, réduit à sa plus simple expression, était devenu l'Om.
La Terre a ralenti sa rotation, ses jours sont longs comme des mois lunaires. Le climat déraille, les sols sont radioactifs, les animaux et végétaux ont muté, l'air et l'eau sont viciés.
Les Oms pullulent encore à la surface du monde.
Enfermés derrière les remparts de leurs villes aseptisées, les Oms ont arrêté d'écouter la nature. Ils ont arrêté d'écouter tout court, s'étant volontairement privés de sentiments, dirigés par des machines qui pensent pour eux. Ils sont insensibles même aux désastres qui les touchent, éradiquant une cité isolée après l'autre.
La Terre n'appartient pas aux Oms. Leur temps finira - et reviendra le temps des Autres.
Si la société des Oms agonise, la vie continue. Car dehors vivent les Autres, attendant patiemment de reprendre possession de la Terre.
Ce recueil reprend en intégrale les histoires courtes de Caza situées dans le monde post-apocalyptique des Oms, réunissant les albums publiés initialement entre 1982 et 1984. Ce sont des récits étranges, psychédéliques, une vision du futur terrifiante malgré quelques bribes d'espoir.
Nuages : au dessus du monde des Oms, un enfant admire les nuages... qui crachent une pluie empoisonnée.
Le joueur de flûte : à mi chemin entre le joueur de flûte qui noya les rats de Hamelin, et le suicide de masse des lemmings pour réguler leur population.
Mandragore : au pied des gibets croissent parfois les mandragores, fécondées par le sperme des pendus.
La baîte : un monstre des temps anciens a été éveillé, il crie son amour... mais les Oms n'entendent que leur propre peur.
Emorragie : la machine de décontamination émotionnelle dépouille les Oms de leurs déchets psychiques. Cœur compris.
Les ailes des Autres : tandis que les Oms s'enferment sous un dôme, dehors restent les Autres, seuls capables de vivre sur la Terre abimée.
Om : rapport d'événements.
Nocturne : une rencontre de nuit qui évoque la mante religieuse se nourrissant de son amant.
Le rêveur : est-il un dieu, un ordinateur, un humain ? Enterré sous la cité, il modèle la cité et contrôle les Oms. La cité devient le rêve du rêveur, immobile, abritée du chaos extérieur.
Equinoxe : dans la ville au bord de la mer vit Morgone la fée, qui chante pour les créatures extérieures. Jusqu'au jour où s'échoue sur le rivage une baleine, cheval de Troie pour les Autres vivant hors de la ville.
Brouillard : la brume envahit la cité, laissant les Oms nus, honteux et terrifiés.
Cendres : après que la cité ait été inondée de neige et de sang, la mort rouge fauche ses habitants.
Ari-L : un enfant traverse la Mer de la Sérénité, découvrant sur l'autre rive la vie, le vert, les Autres.
L'Lobo : insomniaque, il sort dans l'interminable nuit, sous la Lune rouge, voyant ce que nul autre Om ne voit.
Chaque histoire fait entre 4 et 14 pages. La SF s'y présente sous une forme fantastique terrifique, qui fait froid dans le doc. Si le texte est bien présent (avec malheureusement une police parfois peu lisible), les dialogues sont pour leur part peu nombreux, laissant la place à des dessins oniriques présentant une Terre mourante.
La patte graphique de Caza est reconnaissable au premier coup d'œil. Les traits sont précis, les couleurs saturées et agressives, les dessins hallucinés. Des personnages ronds aux formes torturées, souvent nus (et des phallus aussi, régulièrement). Des décors désertiques et étrangers, des bâtiments et engins aux formes géométriques, parfois une profusion de vie où les Autres se mêlent les uns aux autres. C'est spécial, on aime ou on n'aime pas, mais c'est la marque de fabrique du dessinateur.
Malgré son âge, l'œuvre de Caza n'a pas pris une ride. Voici l'occasion de la découvrir ou la redécouvrir.
Une postface de Nicolas Trespallé clôt le recueil en le remettant dans son contexte.