Qu'est-ce qui fait plus peur que la mort ? Ce qui n'est pas tout à fait mort, et qui continue à hanter les vivants depuis les frontières de la réalité...
Cette anthologie est l'œuvre d'un collectif d'auteurs qui s'est auto-publié. Les dix nouvelles proposées fleurent bon le fantastique à l'ancienne, celui qui fait frissonner, rempli d'horreurs sans nom plutôt que des démons sexy à la mode actuellement. Les quelques illustrations présentes sont pour moitié réalisées par les auteurs eux-mêmes, tout à fait dans l'ambiance. La longueur des textes varie entre une dizaine et une soixantaine de pages.
Le livre commence par une préface signée Grégory Bouak, un peu érudite à mon goût (les nombreuses références sont certes en notes de bas de page mais tout de même lourdes à digérer) mais très courte et qui introduit bien le sujet. Viennent ensuite les nouvelles proprement dites :
Les abysses de Martin Reynord
En rentrant chez lui sous la pluie, Louis se remémore comment sa compagne a mystérieusement disparu lors d'une baignade en mer, une nuit de pleine lune.
Fantastique classique et percutant, avec une chute qui conclut parfaitement la nouvelle.
Les brumes de l'aube de Pascal Malosse
Suivre son mari en mission aux iles Lofoten n'est guère du goût de cette mère au foyer : il fait froid, la population locale n'est guère accueillante... Et que dire de cet étrange navire viking qu'elle aperçoit parfois dans la brume ?
Récit oppressant à souhait, mais il m'a manqué un petit quelque chose sur la fin pour dénouer le truc autour des ongles, qui me semble tomber à plat.
"Pour une maman géniale..." de Françoise Grenier Droesch
Lola est une enfant malheureuse et solitaire, habituée à l'alcoolisme et la violence de sa mère qui ne lui montre aucune affection. Un soir de Noël, des poupées interviennent.
Un beau texte triste et poignant.
Cigarette de Cécile Matt
Ayant hérité d'une villa magnifique, deux cousins viennent régler les affaires de la défunte. L'un d'eux, gravement malade et accroc à la cigarette, est tourmenté par une silhouette fantomatique qui danse sur la rambarde du balcon.
Un texte efficace, dans une atmosphère qui s'alourdit au fil des pages, avec une fin qui se laisse juste assez deviner pour bien tomber.
Comme le cri d’un gorfou doré d'Éric Lysøe
Un éthologue parti étudier les gorfous sur une petite île inhabitée en Atlantique Sud fait des constatations troublantes.
La chute de la nouvelle est courue d'avance (ne serait-ce que parce qu'elle est classée dans le chapitre "Monstres" de l'anthologie) mais c'est plutôt sympa, avec un ton moins noir que les textes précédents. Dommage que ce soit longuet par moments (c'est justement la nouvelle la plus longue du livre).
L’assassin est à l’intérieur de Claude Thomas
Un taxidermiste envoie une lettre à un juge au sujet du cadavre récemment retrouvé naturalisé de celui qui fut son maître.
Un texte avec maints détails techniques sur la taxidermie, mais par lourd pour autant et qui se lit très agréablement.
La troisième Parque d'Odile Noël Shinkawa
Silke, la danseuse au corps d'enfant, et Augustin, son protecteur, font jaser dans les chaumières. Leur relation n'est pas aussi propre qu'ils voudraient le faire croire.
Je salue la diversité de présentation (articles ou rapports, récits de témoins ou des intervenants...) de cette nouvelle à la fin abrupte, qui ne m'a pas emballée plus que ça mais ne détonne pas dans cette anthologie.
Silence de Martial Reynord
La vieille est la dernière habitante de son îlot de réprouvés, elle a depuis longtemps enterré les autres. Et elle n'aime guère que des touristes troublent sa tranquillité !
Comme pour l'autre nouvelle de cet auteur dans l'anthologie, on a là un récit fantastique de bonne facture qui se lit avec plaisir.
Au dédale des âmes de Masudo Lechat
Après une longue chute, il atterrit dans une tranchée sous le feu ennemi. Qui est-il ? Que fait-il là ? De quelle guerre s'agit-il ? Il n'en sait rien. Une seule chose est sûre : le seul moyen de repartir, c'est de mourir.
Une ambiance glauque et déprimante, mais avec pour une fois une fin moins sombre.
Le chêne et le fuseau d'Emmanuelle Nuncq
Elisabeth et Georges participent à une reconstitution historique. Dans leurs costumes anciens finement brodés, ils évoluent avec aisance sur la piste de danse malgré leur grand âge. Ce n'est pas la première fois qu'ils dansent ensemble, ni même qu'ils sont mariés ensemble, mais ce sera peut-être la dernière.
Cette histoire d'amoureux qui se retrouvent tout au long des siècles qui passent est magnifique. Il est un peu dur de rentrer dedans au début à cause des changements d'époque du récit, mais le texte empreint d'une grande douceur est certainement mon préféré dans cet ouvrage.
Globalement, c'est un livre qui pourra plaire aux amateurs de fantastique et de frissons !