Le vieux Malusci finit paisiblement sa vie en France, chez lui, auprès des siens. Mais chez lui, cela a aussi été l'Algérie, avant la guerre et la fuite. Ce colon possédait une exploitation agricole sur plusieurs hectares, pour laquelle il employait des ouvriers algériens. Parmi ces ouvriers, il y avait Bahi. Le narrateur apprend son existence au détour d'une conversation avec son grand-père, qui écrit à son ancien employé et ami. Il décide alors de franchir la Méditerranée pour aller à la rencontre de cet homme, vestige et témoin de la vie de Malusci lorsqu'il vivait dans cet ailleurs jusqu'alors fantasmé.
Bahi a toujours travaillé, tous les jours de sa vie. Ses enfants lui intiment de se reposer maintenant qu'il est âgé, mais Bahi ne voit pas pourquoi il se priverait de conduire son camion et de faire de la mécanique s'il adore ça. C'est justement ce qui le maintient en forme et en vie. Pourtant, lorsque le narrateur débarque et lui apprend qui il est, il s'accorde pour une fois une journée de congé pour rouler à ses côtés et convoquer les souvenirs des temps passés.
Ce récit, Sylvain Prudhomme le livre en 208 pages qui ne sont qu'une phrase. Bahi raconte, passe d'une anecdote à une autre, dans un flot qui suit le flux de conscience, au gré des idées. Il parle de la chance incroyable de Malusci qui a réchappé à la mort là où elle aurait frappé n'importe qui d'autre, de la confiance qu'il accordait sans soupçonner les trahisons qui nichaient derrière les sourires autochtones, des femmes de sa vie, des terreurs de la guerre, des espoirs et des désillusions. A travers ses yeux, c'est un pan de l'histoire coloniale algérienne qui se dessine, loin des instances politiques, au plus près des Algériens des villages.
Le sujet est intéressant, le personnage attachant. Le parti pris du récit dans un souffle qui ne prend fin qu'au point d'interrogation final est à double tranchant : on se laisse glisser ou on a du mal à s'accrocher. Il ne vous reste plus qu'à le lire pour savoir de quel côté vous vous situez.