La guilde Sintonia a reçu du doge de Venise l'ordre d'éliminer la guilde Cattaneo. Mais cette opération tourne mal, et c'est à l'inverse la famille Sintonia qui est éliminée dans sa (quasi) totalité. Seules survivent quatre soeurs, dont chacune croit être l'unique encore en vie : Talia, l'aînée, qui prend le premier long courrier en fraude, et en compagnie de ses deux enfants, Azzurra, Agnese et Reyna, qui toutes trois continuent de vivre à Venise, dans les failles du système dont il leur est impératif de se dissimuler.
Azzurra se débrouille pour trouver un emploi au jour le jour avant de se liguer avec d'autres laissé.es pour compte et de créer une entreprise florissante, sous le nom de Zur Drusco. Agnese reçoit une aide inattendue, mais mettra néanmoins beaucoup de temps avant de pouvoir sortir de l'état apparemment catatonique où l'a laissée l'attaque. Reyna aussi reçoit des soins et de l'aide, mais ceux-ci seront loin d'être gratuits.
Après avoir dû fuir - encore ! - d'Amsterdam, et partir de Londres, Talia s'apaise enfin à Paris, où elle a l'espoir de trouver comment libérer ses filles des nanites qui font d'elles des Sintonia. En effet, quand il a été question d'interdire les nanotechnologies visant à influer sur le comportement, les Sintonia ont été exemptées de cette interdiction. Et pour cause : c'est grâce au Diapason qui unit toutes les femmes Sintonia qu'elles sont des assassins aussi efficaces au service des puissants. C'est ce qui permet aux aînées (capa, nonna, figlia...) de communiquer avec leurs descendantes et d'en prendre le contrôle. C'est ce dont Talia veut libérer ses filles.
Cette histoire de vengeance et de maturation personnelle se déroule dans un univers très élaboré. On y visite le thème du développement des nanotechnologies, avec leurs aspects positifs, qui permettent aux villes de s'affranchir des pollutions terrestres et de construire une civilisation très différente à des milliers de mètres au-dessus de la surface ; et leurs aspects négatifs, qui conduisent à la création de drogues personnalisées et, bien sûr, au contrôle total des individus, ce qui est exemplifié par la famille Sintonia.
L'alliance entre des décors et outils futuristes (villes "en l'air", capacités médicales...) et une situation politique relativement passéiste (importance des guildes, des contrats, le doge...) donne une tension crédible à cet univers, où les Sintonia jouent le rôle de grain de sable par leur seule existence. Les deux siècles qui séparent notre époque de celle présentée dans le roman sont évoqués assez rapidement, mais de façon plausible. L'autrice aborde également, fût-ce seulement en passant, les enjeux éthiques liés aux nanotechnologies, et donne ainsi à réfléchir à ses lecteurs et lectrices.
L'action est incessante, étant donné que le point de vue alterne entre les quatre sœurs et qu'il se passe toujours quelque chose pour l'une ou l'autre. De ce fait, on ne s'ennuie jamais en lisant, ce qui fait de cette histoire un "page turner" efficace. Les personnages principaux sont bien campés et différenciés, on s'habitue à leurs différentes caractéristiques, rendues par le style d'écriture, du moins passé le premier tiers du roman, celui d'apprivoisement aux différentes protagonistes.
Le seul bémol que j'émettrai, pour ma part, est d'une part le choix étrange de mettre des pluriels français aux mots italiens, même quand ceux-ci étaient déjà au pluriel ("carabinieri", par exemple, est un pluriel, doté bizarrement d'un S final dans ce roman), et d'autre part des flottements grammaticaux en français, un élément qui me sort toujours désagréablement de ma lecture. Toutefois, pour qui n'est pas orienté comme moi vers la précision linguistique, ce n'est sans doute pas gênant.
Après ma lecture de la publication précédente d'Audrey Pleynet, j'ai encore plus de raisons de me souvenirs de son nom et je suivrai ses prochaines parutions.