Un soir de nouvelle Lune, d'un bout à l'autre des Etats-Unis, de l'étudiant.e le plus inculte au Président, sans oublier la NASA, on se rend compte que notre satellite n'a plus son aspect habituel, et semble plus gros et plus brillant, sans pour autant s'être rapproché de la Terre. Les morceaux de roche lunaire toujours exposés dans des musées épars se sont transformés en une matière organique qui ressemble furieusement à du fromage. Il faut se rendre à l'évidence : la Lune s'est transformée en fromage !
Jour par jour pendant tout un cycle lunaire, nous allons suivre les réactions d'un plateau de personnages en vue ou non, du milliardaire Jody Bannon qui rêve depuis toujours d'aller sur la Lune à Annette, étudiante fauchée employée dans une fromagerie, de Clyde Ramsey et ses potes, fidèles du même bar-restaurant depuis des lustres à Dayton Bailey qui vient d'écrire un essai qui tombe à point nommé, de Davis Baruch qui s'est entraîné toute sa vie pour devenir astronaute et était sur le point d'y parvenir à James Evans, le pasteur d'une petite communauté de l'Iowa. D'autres font une apparition fugace, au fil des jours, ponctués par des articles de journaux qui, eux aussi, essaient d'expliquer les raisons possibles d'une telle transformation.
Et, surtout, ses éventuels dangers.
Honnêtement, je ne vois pas d'autre auteur que Scalzi qui aurait été capable d'écrire un tel roman ! Depuis quelques années, il semble s'être fait une spécialité de revisiter certains poncifs de la pop culture pour leur redonner un coup de jeune. Il précise d'ailleurs en postface que Viser la Lune conclut une sorte de trilogie formée avec La société protectrice des Kaijus et Superméchant débutant. Et comme c'est un écrivain sérieux, même s'il ne se prend pas au sérieux, ses personnages sont bien fichus, crédibles et cohérents, avec une mention spéciale pour Davis Baruch, Dayton Bailey et James Evans.
Un autre point qui m'a intéressée dans ce roman, c'est la façon dont l'apocalypse prévue dans un futur proche révèle combien nous ignorons commodément notre mortalité en temps normal. C'est un sujet qui n'est abordé qu'en creux, par la bande, et il ne plombe pas l'ambiance de ce roman par ailleurs très drôle. J'ai particulièrement aimé la réunion des banquiers, par exemple, qui met en scène une réaction crédible d'une telle institution à l'annonce d'une fin du monde à relativement court terme. C'est amusant, et montre que le regard de l'auteur est toujours aussi affûté. Cette remarque s'applique d'ailleurs à cette histoire en général.
Cela dit, même si j'ai pris plaisir à ma lecture, le roman m'a semblé un peu long, peut-être parce que le personnage de Jody Bannon m'agaçait beaucoup, et que j'aurais préféré que ses apparitions soient réduites tant en durée qu'en fréquence. Malgré ce léger bémol, ce nouveau roman de l'auteur américain est très recommandable, pour son aspect déjanté traité avec sérieux et professionnalisme.