Les Chroniques de l'Imaginaire

Géante Rouge (Géante Rouge - 32)

Géante Rouge est un fanzine annuel, lié à la revue Galaxies. Ce numéro, le dernier proposé par les rédactrices en chef Pauline J. Bhutia et Léa Fizzala, nous propose des imaginaires de futurs positifs, une rencontre avec l'autrice Audrey Pleynet, des nouvelles issues du prix Le Bussy et enfin les lauréats du prix Pépin.

Nouvelles :

Le silence en héritage, de Noé Natt
La famille de Valp ne parlait pas de l'explosion qui a détruit sa planète d'origine. Celle de Rossignol ne parlait pas de la violence domestique qui la minait. Tous deux sont partis sans regret pour une station spatiale communautaire.
Joli texte autour de deux personnages meurtris qui essaient de se reconstruire dans un environnement plus favorable.

Henry, Jass et tous les autres, de CM Deiana
Depuis la fin du monde, il ne reste que de petites fermes, de petites communautés regroupant des personnes de bonne volonté, vivant simplement.
Là encore, l'espoir est présent dans un monde post-apo apaisé où le bonheur semble possible.

Somèį, de Chloé Chevalier & Élio Possoz
Selma fait ses propres choix de vie dans un monde encensant la liberté de tous, où disparaissent peu à peu les notions de propriété et d'individualité.
Plus d'animaux domestiques qu'on pousse dehors au nom de la liberté, plus de plantes d'intérieur car il ne faudrait pas faire de mal à des vivants végétaux, on ne peut même plus faire le boulot qu'on préfère pour ne pas en priver les autres... L'union totale poussée à son extrême fait plus froid dans le dos qu'autre chose, en fait.

Intelligence émotionnelle, de Delphine “DD” Desusclade
Azadeh vit dans un monde idyllique, grâce à des IA bienveillantes et empathiques. Malgré son autisme qui lui rend difficiles les relations sociales, elle est bien acceptée, mais elle aimerait se rendre plus utile.
Peut-être parce qu'il vient après le précédent un peu déprimant, ce récit m'a beaucoup plu, j'ai adoré cet univers faisant la part belle à l'intelligence émotionnelle.

Archives – page 12, d’Auriane Velten
Extrait d'un index des archives de la station Exode.
Un texte vraiment spécial, heureusement à petite dose.

Comment peut-on être terrien ?, de Marc Oreggia
Un navigateur humain perdu dans un trou de ver est secouru par un vaisseau de la Diversité, une union de peuples extraterrestres dont il ne connaissait pas l'existence.
J'ai eu du mal à rentrer dans cette nouvelle qui nous assène un peu trop de choses d'un coup au début en alternant rapidement les points de vue, mais finalement j'ai trouvé très sympa cette aventure bourrée d'humour. Et, à l'instar des habitants du vaisseau, j'ai bien ri du meme "Est-ce que ça se mange ?" !

Focus sur Audrey Pleynet :

Une rencontre avec Audrey Pleynet revient sur son parcours, ses productions, de son premier roman Noosphère à ses nombreuses nouvelles, jusqu'à la novella multi-primée Rossignol. On peut ensuite découvrir l'une de ses nouvelles.
A noter que l'interview date d'octobre 2024 et ne fait donc pas mention du roman Sintonia, tout juste paru le mois dernier.

Les questions que l’on pose, d’Audrey Pleynet
Une IA répond aux questions qui lui sont posées, générant des listes de personnes sur des critères d'abord assez généraux puis de plus en plus pointus.
De la dérive possible dans l'usage des big data, avec une intelligence artificielle certes artificielle mais pas du tout intelligente. Si tristement probable ! Une nouvelle magnifique et glaçante d'actualité.

Dossier :

Léa Fizzala nous fait brièvement part dans Paroles, paroles, paroles de ses réflexions sur l'usage des langages dans les jeux, tandis que Pauline J. Bhutia s'intéresse à la cohabitation inter-espèces, deux thèmes inspirés par l'ouvrage Rossignol.

Prix Le Bussy & Prix Pépin :

Rappelons que le prix Le Bussy distingue des nouvelles inédites de SF  française. Les cinq nouvelles suivantes sont les seconds accessits de l'édition 2024.

Les araignées aussi ont froid la nuit, de Tom Hennequin
L'hôpital que dirige Lorelei est spécial : les patients qui y viennent sont en phase terminale, ici pour offrir leur mort. Car ceux qui y décèdent se transforment miraculeusement en arbres, repeuplant peu à peu une forêt.
Ambiance très particulière pour cette nouvelle qui nous touche et nous interroge à la fois.

Porteur, de Matthieu Estiez
Comme une poignée d'hommes, Ethan est un Porteur, il abrite dans son corps un embryon d'Ange en développement. Ses sens sont plus affutés, des visions l'accablent et des fidèles religieux se pressent sous ses fenêtres en attendant la naissance de l'être lumineux.
Miracle ici aussi, mais plus ambivalent, car il ne fait pas toujours bon être le père d'un enfant divin.

Écogénèse, de Sylvain Malfettes-Vinsonneau
Vellei et Aiko partent s'occuper d'un petit arbre malingre... le premier arbre à pousser sur Mars !
Une nouvelle de hard-SF qui évoque la terraformation de Mars, sympa mais manquant un peu de souffle.

Rendez-nous Tom Selleck, de Paul Simon
Malherbe est fier de diriger les recherches scientifiques sur le Grand collisionneur de hadrons. Les illuminés qui assurent que les activations de l'engin provoquent des altérations de la réalité le font rigoler plus qu'autre chose. Quoique...
Cette nouvelle est assurément ma préférée de ce numéro ! Certes, on se doute du genre de rebondissements finaux qui vont advenir, mais la progression est bien construite et le texte m'a bien fait sourire ! J'ai découvert après coup que ces théories (le lien entre les effets Mandela, l'immortalité quantique, les univers parallèles et les expériences du CERN..) faisaient l'objet de nombreux articles sur internet, mais cela n'enlève rien à la créativité de l'auteur pour les intégrer dans son récit.

Eugéno, d'Aude Lapadu-Hargues 
Dans un monde où les parents sélectionnent les meilleures caractéristiques génétiques pour leurs enfants, il est difficile de se distinguer de ses camarades tous aussi parfaits que soi.
Une bonne idée de départ plus un style efficace, pour au final un chouette texte.

Le prix Pépin récompense des micro-nouvelles de SF de trois-cents signes maximum. Les pépins sont toujours de petites pépites et cette édition 2024 ne déroge pas à cette règle, la lecture en est un pur moment de réjouissance !