C’est un petit port de pêche gallois, tranquille, où parfois les gens de la ville viennent en villégiature pour prendre des bains d’eau de mer. Alors qu’un cadavre de baleine est découvert sur la plage, la quiétude du village côtier va voler en éclat. Et Gwilym, un jeune homme féru de littérature fantastique et récemment arrivé au village, va en être le témoin privilégié.
Une série de morts atroces va endeuiller le village en quelques jours. Des chevaux piétinent un couple dans leur lit, un autre meurt brûlé à l’intérieur de sa maison sans que celle-ci ne prenne feu, des feux follets font leur apparition, bref, le petit village tranquille devient l’antichambre de l’enfer. Sans que personne ne comprenne comment ces morts sont possibles.
Gwilym va alors faire la connaissance de Deryn, une enfant étrange qui fredonne des poèmes macabres et qui dit de lui qu’il est un passeur de fées. La gamine semble toujours accompagnée d’un étrange corbeau, ce qui attise la curiosité de Gwilym car personne dans le village ne semble la connaître.
Le but avoué de l’auteur est de provoquer la peur avec cette bande dessinée. Il est plus difficile de faire peur avec une BD car l’œil est vagabond, et peut être distrait par un détail ou une case en particulier. C’est pourquoi Guillaume Sorel a beaucoup joué avec le découpage de ses pages, et j’avoue que c’est très réussi. Alors je n’ai pas eu peur comme il l’espérait, mais il réussit à provoquer l’attente de l’angoisse, un peu comme au cinéma avec certains plans.
La première page, avec ce somptueux corbeau au premier plan qui nous regarde, est un peu dérangeante car on a l’impression d’être jugé par l’oiseau, comme s’il nous défiait de le suivre dans l’envol de la seconde case. Le découpage des pages suivantes est assez classique, mais devient plus subtil lors de la découverte des cadavres. Et que dire de la fin, où tout change, et où les pages ne comportent plus que de rares cases pour laisser place à toute la noirceur de Deryn ? Le tout servi avec un dessin et des couleurs qui alternent entre la nuit où les morts surviennent, et les journées ensoleillées où ces morts semblent encore plus étranges sous le soleil.
Pour cette histoire, il a plongé dans les écrits d'Arthur Machen, en particulier Le grand Dieu Pan, ce qui m’a donné envie de découvrir cet auteur que même Lovecraft encensait, mais qui est un peu tombé dans l’oubli de nos jours.
Ce qui fonctionne très bien c’est que l’auteur prend le temps de poser son histoire. Il ne précipite pas les choses, même si les événements se passent sur un laps de temps assez court. Il n’y a pas de faux sentiment d’urgence. L’horreur des morts est prégnante, et on sent la terreur des habitants qui se demandent chez qui le couperet fatal va tomber.
Cette histoire est vraiment une très belle réussite. Elle m’a donné envie de m’intéresser aux autres œuvres de l’auteur, et elle m’a permis de découvrir des poètes et un écrivain dont je n’avais jamais entendu parler et dont les écrits me font désormais très envie.
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