Les Chroniques de l'Imaginaire

Libres d'obéir - Chapoutot, Johann & Girard, Philippe

Après avoir écouté puis lu Libres d'obéir : le management, du nazisme à aujourd'hui, l’essai à succès de Johann Chapoutot, j’avais très envie de découvrir son adaptation graphique que j’ai trouvé fidèle et complémentaire à l’œuvre initiale. 

Toujours aussi dérangeante mais nécessaire, la réflexion sur les origines et les dérives du management contemporain s’illustre parfaitement à travers le scénario crayonné par le dessinateur québécois Philippe Girard (qui signe ici son premier travail d’adaptation) !

On explore ainsi l’histoire de Florence, cadre chez Appal, une entreprise de high-tech qui carbure à appliquer une philosophie managériale non autoritaire (la fameuse autonomie sous contrôle) où l’employé a l’impression de consentir à son sort dans un espace de liberté sournois et faussement bienveillant. 

Flexibilité, adaptabilité, participation, performance... telles sont les consignes ! Submergée par une pression constante et écrasante, une obligation de résultats qui accroit son stress et une compétitivité toxique qui se développe entre les salariés, Florence décide d’en faire part à une amie récemment remise d’un burn-out.

Sentiment de profond malaise, perte d’estime de soi… Cette dernière reconnaît bien les symptômes caractéristiques de la descente aux enfers de Florence et, pour éviter qu’elle ne s’enfonce dans le piège du travail et ne détériore davantage sa santé mentale, elle lui confie l’ouvrage de Johann Chapoutot

Une excellente entrée en la matière pour y voir plus clair et dénoncer les rouages d’un management diabolique qui tire ses racines d’un personnage, Reinhard Höhn, juriste et général SS impliqué dans la structuration de l’appareil juridique nazie. Philippe Girard déroule à la perfection une histoire sombre (qui ne s’est pas arrêtée avec la fin de la guerre en 1945) à l’aide d’un découpage particulièrement réussi pour illustrer des concepts abstraits tout en fluidité.

Un travail titanesque (et minutieux) qui donne un rendu absolument superbe, abouti et complet jusque dans les moindres détails comme les uniformes nazis, la typographie et les codes de l’iconographie qui reprennent tout le langage de la propagande de l’époque. D’autres éléments viennent s’ajouter à l’exercice de lecture comme ces structures cachées à travers la découpe en huit chapitres pour reprendre le modèle de la croix gammée (avec les huit bâtons de la Svastika).

C’est un sujet « lourd » et une bande dessinée riche qui peut paraître exigeante (et un peu effrayante en ce sens) mais qu'il ne faut pas hésiter à lire et relire. Naviguer entre les chapitres pour parfois revenir en arrière ou recommencer sa lecture afin de saisir pleinement les nombreuses subtilités parsemées au fil des pages. Je n’en dis pas plus pour vous laisser le plaisir de les découvrir. Un seul indice : le diable se cache dans les détails, en particulier dans le traitement des couleurs.

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