Les Chroniques de l'Imaginaire

Détails de l'exposition - Dunyach, Jean-Claude

L'auteur, les complices qu'il remercie en fin de volume, et l'éditeur ont fait incontestablement de l'excellent travail avec ce recueil. La métaphore filée du musée fonctionne fort bien, d'autant que la répartition des textes en "zones" différentes porte à réfléchir sur la ou les raison(s) du placement du texte dans la zone en question, quand on est curieux.se. Chaque texte est précédé non seulement de la date de la première parution, s'il s'agit d'une reprise, mais aussi, et surtout, d'un encadré indiquant la "Ligne temporelle", ou autre mention, selon la salle où on se trouve, mais aussi d'une phrase courte, parfois aussi sibylline qu'un koan zen, mais parfois cruellement éclairante (par exemple dans le cas d'Autoportrait). A mon avis, on en profitera encore mieux après une première lecture, comme, dans un musée, on pourra avec profit lire ou relire le descriptif d'une peinture ou d'une sculpture après avoir passé du temps à la contempler.

La plupart des nouvelles présentes dans ce recueil n'en sont pas à leur première parution, et certaines ont été primées, comme la bien connue Déchiffrer la trame, ou Repli sur soie. Bien sûr, j'en ai aimé certaines davantage que d'autres, parfois pour le talent nécessaire pour mettre en scène une idée pas forcément originale au départ, comme dans Détails de l'exposition ; parfois pour les clins d'œil aux œuvres d'autres auteurs, comme dans Autoportrait, qui renverse le chef-d'œuvre d'Oscar Wilde, ou Les nageurs de sable, qui m'a évoqué irrésistiblement Les enfants de Dune même si le contexte est totalement différent ; parfois parce que je les ai trouvées délicatement déchirantes, comme les superbes Le lapin sous la pluie ou Dans les jardins Médicis ; parfois parce que je suis très sensible à l'humour de Jean-Claude Dunyach et que j'ai bien ri en lisant M.D.I.K. ou Le client est roi.

On trouve aussi des inédits dans ce recueil, et c'est sur eux que je me pencherai un peu plus.

Les nuits inutiles : Etre une IA consciente de soi, pouvoir faire ce qu'on veut dans le Virtumonde, qui n'en rêverait ? J'ai bien aimé cette méditation pleine d'action sur la thématique de la mortalité et du changement à opposer à une vie immuable.

Noces de diamant : L'ancêtre de Janus a pris sur place un morceau de la météorite de la Toungouska. Janus a réussi à créer deux alliances à partir de ce matériau fabuleux. J'ai trouvé touchante cette nouvelle, qui est mon coup de cœur dans ce recueil. Les aspects science-fictif et affectif me paraissent particulièrement bien équilibrés, avec des personnages bien développés et cohérents malgré le format court, et le rapport père-fils est traité tout en délicatesse.

Paysage avec intrus : Jay est veilleur de feu dans la forêt canadienne, ce qui lui convient car ça ne le dérange pas d'être seul. Mais un soir de cuite il a une étrange visite. Le thème de la possibilité, ou pas, de communiquer avec une espèce totalement étrangère est traité de façon intéressante. J'aurais toutefois aimé en savoir plus à la fois sur Jay et sur la suite des événements, et de ce fait suis ressortie un peu frustrée de ma lecture.

Casser la coquille : Humains et Wanis se sont affrontés pendant des années dans une guerre absurde, jusqu'à ce que Gabe l'arrête, un peu par hasard. Mais depuis l'attention des Wanis est sur lui. Cette nouvelle aborde le thème de l'absurdité de la guerre en plus de celui traité dans la précédente, en le faisant d'une façon totalement différente, et les rapprocher donne une bonne idée du talent inventif de l'auteur.

Une saison de vendanges : Tous les dix ans, il faut reculer les vignes vers le Nord pour fuir le réchauffement climatique. Par ailleurs, les variétés transgéniques et clonées sont plus hautes, ce qui protège les cueilleurs du soleil, et capables de tas de choses inédites. Ce qu'elles ne savent pas faire naturellement, c'est produire un vin qui ait du caractère. Sauf à y être aidées... J'ai bien aimé cette histoire originale d'amour et de communion avec la nature, qui interroge nos convictions ou nos a priori sur ce qu'est la Nature, en nous rappelant sans y toucher que la notion même que nous en avons est en fait culturelle.

Les fidèles de l'auteur retrouveront dans cette suite de textes les différentes facettes de son style si particulier : l'originalité dans le traitement des idées de départ et des thèmes ; la place importante accordée au corps et à la sensorialité, mise particulièrement en évidence dans Nos traces dans la neige, mais aussi dans Sucre filé ; l'humour, bien sûr, avec cette façon unique d'envisager le Parlacheminus Santaclaus, par exemple, dans Rapport sur les habitudes migratoires des Pères Noël ; le talent pour créer le doute entre réel et imaginaire, que l'on voit à l'œuvre tant dans La fin de l'été indien que dans La fin des cerisiers ; cet autre talent, auquel je suis très sensible en amoureuse de la langue française, pour filer la métaphore de façon crédible et constructive d'un bout à l'autre d'un texte, comme dans Détails de l'exposition et La stratégie du requin.

D'une certaine façon, j'envie celleux qui découvriront l'auteur grâce à ce recueil très complet et chatoyant pour cette exploration complète qui leur est offerte d'un univers riche et personnel. 

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