Les Chroniques de l'Imaginaire

Adieu Zanzibar - Gurnah, Abdulrazak

Hassanali est un petit boutiquier de Zanzibar mais il est aussi le muezzin de la mosquée proche de chez lui. Il vit sa petite vie bien organisée avec ses petites habitudes, l'appel du muezzin, le commerce de sa boutique, les discussions avec les anciens et toujours chez lui une certaine discrétion pour éviter les racontars sur sa famille.

Mais un beau jour de 1899, l'arrivée d'un étranger sale et visiblement mal en point va bouleverser son quotidien, sa vie et celle de sa famille. L'étranger, un Anglais, va tomber fou amoureux de Rehana, la sœur d'Hassanali, en dépit de tous les interdits, de la bienséance et des règles qui régissent les rapports entre autochtones et le colonisateur anglais.

Soixante ans plus tard, au tournant de l'indépendance de Zanzibar, cette histoire aura encore des conséquences sur la vie d'une autre famille et influencera les choix de ses membres.

Ce roman d'Abdulrazak Gurnah est une belle découverte qui m'a transporté dans une autre époque, un autre continent et une ambiance colorée où l'on a l'impression de sentir les odeurs d'épices et de poussière, de voir les couleurs des tenues, de la mer et de la ville. J'ai été totalement immergé dans cette première partie de l'histoire qui retrace la rencontre entre cet Anglais et Hassanali. On y découvre les rapports entre les colonisateurs et les habitants de Zanzibar, la vie sur cet archipel et surtout le poids des traditions sur les relations entre hommes et femmes qui affecte plutôt la vie de ces dernières.

La deuxième partie nous fait faire un bond d'une soixantaine d'années dans le temps où l'on suit la vie de la famille du narrateur. Une famille qui n'a rien à voir avec celle d'Hassanali mais qui sera impactée elle aussi par ce qu'il s'est passé entre l'étranger et Rehana.

Ce roman nous parle d'amour et des barrières imposées aux hommes et encore plus aux femmes dans leurs relations sociales et amoureuses. L'auteur met en évidence les interdits subis par les protagonistes, l'ostracisation de ceux qui ne respectent pas les règles. Ce livre aborde aussi le sujet de l'abandon de ses idéaux, du renoncement à l'amour pour préserver sa famille et éviter le discrédit voire pire.

Il y est question du déracinement et de ses conséquences sur la psyché de ceux qui le subissent, d'exil dans son propre pays mais aussi loin de son pays afin de pouvoir enfin tenter de vivre pleinement sa vie. Le thème du racisme s'invite aussi dans l'histoire au travers des destins de certains personnages.

J'ai beaucoup aimé la première partie pour la découverte de cette ville et d'une époque révolue. Pour l'ambiance et le personnage d'Hassanali qui cherche à être discret mais qui est heureux de sortir de son train-train avec l'irruption de cet Anglais. La deuxième partie est intéressante du fait d'un monde qui bascule vers l'indépendance, d'une famille qui va perdre ses illusions et dont les renoncements seront nombreux.

L'écriture est douce, agréable à lire, les descriptions nombreuses nous permettent d'être pleinement dans l'histoire. La nostalgie est présente dans ce roman, la nostalgie d'un monde encore préservé des excès de la modernité, d'une atmosphère et d'une vie où tous les espoirs étaient encore permis, et surtout d'une enfance heureuse au sein d'une famille aimante. On sent que l'auteur a mis beaucoup de lui dans ce livre et l'on devine l'amour d'Abdulrazak Gurnah pour sa ville, son île, son pays.

Cette page est une version simplifiée pour les robots. Pour profiter d'une version humaine plus conviviale, cliquez ici.