Prix des lecteurs Historia - BNP Paribas (2024)
Été 1944, à Steinhöring dans la première maternité nazie située en Haute-Bavière près de Munich, les rumeurs de la guerre arrivent à peine. Fort d’une volonté de lutter pour ne pas être délogé et ainsi reconstituer coûte que coûte le peuple germanique, tout est fait pour offrir aux nouveau-nés de l’ordre SS et à leurs mères « de sang pur » un cadre harmonieux.
Renée, une jeune Normande abandonnée des siens après s’être éprise d’un soldat allemand, trouve refuge dans ce Lebensborn appelé Heim Hochland dans l’attente d’une naissance non désirée. Dans ce camp luxueux destiné à fabriquer de parfaits bébés aryens, elle rencontre la Schwester Helga, infirmière modèle qui veille avec abnégation et bienveillance sur les mères et les nourrissons, ainsi que Marek, un prisonnier polonais affamé rescapé de Dachau.
Sous les ordres du docteur Ebner, mais surtout du Reichsführer Himmler, créateur et parrain de ces établissements, Helga voit défiler des pensionnaires aux destins parfois tragiques et des enfants évincés sans scrupules lorsqu’ils ne correspondent pas aux critères exigés. Face à cette cruauté, ses certitudes commencent quelque fois à vaciller…
Alors que les Alliés se rapprochent, l’organisation bien réglée des foyers Lebensborn se détraque, et l’abri devient piège. Que deviendront-ils lorsque les soldats américains arriveront jusqu’à eux ? Et quel choix leur restera-t-il ?
Saisissant, glaçant et parfois insoutenable : voilà un roman immersif qui reconstitue avec une plume brute et rythmée la réalité historique de ce gynécée inquiétant que fut la première pouponnière d’Himmler.
L’alternance des trois points de vue entre Renée la Française, Helga l’Allemande et Marek le prisonnier polonais permet une authentique plongée dans cette Allemagne nazie sans trop tomber dans le piège de fioritures romancées (même si par moment la psyché d'Helga peut agacer) tout en maintenant un fil conducteur crédible jusqu’à la chute de cet empire malade.
Mon seul regret, qui n’enlève rien à l’engouement pour cette lecture tant attendue, concerne justement l’avènement un peu précipité de la fin de l’histoire et des relations entre les protagonistes. Mais c’est là aussi une des composantes des évènements puisque dans la réalité, tout n’est pas toujours magnifiquement orchestré.
Le contraste permanent entre la vie et la mort autour du Lebensborn, les enlèvements, les fausses adoptions, les mensonges et les arrangements avec la vérité pour mener à terme (difficile d’écrire « à bien ») le programme eugéniste du Troisième Reich sont d’autant plus percutants qu’ils sont parfaitement documentés pour rester au plus près des dérives de cette monstrueuse idéologie.
Une lecture nécessaire sur le sujet qui vient compléter le témoignage autobiographique d’Isabelle Maroger (rencontrée au Lyon BD Festival en 2024) à travers son récit graphique Lebensborn où elle raconte la quête de ses origines familiales dont les pistes conduisent aux confins de l’Europe, dans une maternité norvégienne. Mêlant histoire personnelle et explications historiques, on ne cesse jamais d’en apprendre sur cette période de l’Histoire aux ramifications aussi terrifiantes que nébuleuses.
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