Dans cet essai très argumenté, Annne Dufourmantelle interroge à la fois les âges différents où les femmes peuvent être sacrifiées ou se sacrifier, ainsi que les origines et les suites du sacrifice.
Ainsi, la partie consacrée aux jeunes filles comportera, par exemple, les personnages d'Iphigénie, sacrifiée par son père Agamemnon afin de faire lever le vent qui portera les vaisseaux grecs vers Troie, ou Antigone, qui offre sa vie pour réparer le tort fait à son frère mort. Mais on y rencontrera également des personnages moins connus, comme Penthésilée, la reine des Amazones amoureuse d'Achille, ou qu'on a l'habitude de rencontrer dans un autre contexte, comme Jeanne d'Arc.
Le cas des amantes demandait une partie différente en ce qu'elles peuvent être à la fois vierges et mariées, comme Juliette chez Shakespeare. Dans cette partie, la question de la virginité et de la chasteté, mise en exergue par l'histoire d'Héloïse et Abélard, ou par le cas d'Iseut, et cette épée entre elle et Tristan, est très étudiée. C'est aussi dans cette partie que l'autrice évoque le trafic des très jeunes filles enlevées dans des pays moins favorisés, sacrifiées par leurs familles, ou qui se sacrifient pour elles, pour être prostituées dans nos villes.
La partie des mères, étudie Médée vue comme scandaleuse en tant qu'elle sacrifie ses enfants dans la version la plus connue du mythe, comme figure opposée à Marie. Elle se penche aussi sur le cas des femmes condamnées pour infanticides.
Enfin, les créatrices demandaient un traitement spécial, surtout en ce que leurs œuvres sont souvent leur seule progéniture. J'aurais vraiment apprécié une prise en considération plus détaillée des créatrices pour lesquelles ce n'a pas été le cas, toutefois.
C'est ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant dans cet ouvrage : les personnages étudiés, au moins dans les trois premières parties, sont tous issus de la littérature, mais l'autrice fait des liens avec les femmes qui nous entourent, que nous sachions ou pas le rapport qu'elles ont avec la nébuleuse du sacrifice. Par ailleurs, dans chaque partie elle montre à la fois l'inévitabilité du sacrifice et dans quel schéma psychique il s'inscrit, sans oublier la dimension sociétale. En effet, si ces personnages et leur destin nous parlent encore aujourd'hui, c'est bien qu'ils sont devenus d'une façon ou d'une autre des archétypes toujours actifs dans notre inconscient. Anne Dufourmantelle essaie dans cet ouvrage de montrer comment.
D'autre part, la nuance fine qu'elle établit entre le sacrifice et le renoncement m'a beaucoup intéressée, même si je ne suis pas vraiment sûre d'avoir intégré exactement ce qu'elle voulait dire. Et c'est la critique que je ferai à cet ouvrage : il est très ardu à lire pour qui n'est ni philosophe ni psychologue ou psychanalyste, voire même pour qui n'est pas familier au départ avec les histoires qu'elle évoque. En somme, c'est bien fait, c'est fascinant, mais ce n'est pas vraiment une lecture pour tout le monde.
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