Marya voyage sur le train sous une fausse identité : hors de question que la Compagnie apprenne qu'elle est la fille du verrier discrédité après le terrible dernier voyage. Mais elle est bien décidé à rétablir la réputation de son père, injustement diffamé par ses employeurs. C'est la première fois que le train va traverser les Terres Oubliées depuis le drame, et il avait été question qu'il ne reparte pas du tout, mais les intérêts en jeu sont trop importants pour renoncer à ce voyage, même si les employés de longue date murmurent que c'est bien trop tôt dans la saison, que c'est dangereux... Le train s'ébranle de Pékin, et ne s'arrêtera plus pour plus de six mille kilomètres, jusqu'à Moscou et l'Exposition internationale.
Le Dr Henry Grey prévoit d'y briller. Lui aussi a une réputation à rétablir, mais il est sûr que les prélèvements qu'il pourra faire dans les Terres Oubliées, contre toutes les règles de sécurité, lui assureront la gloire. Il s'est assuré la complicité d'Alexei, le mécanicien, à la fois pour arrêter le train au bon endroit, et pour lui permettre de sortir et de rentrer couvert des protections adéquates. Car depuis les mutations, c'est terriblement dangereux, dehors. C'est pourquoi le train est tellement protégé d'acier et de verre de grande qualité : rien ne peut y pénétrer, et tous les passagers ont été scrutés à la loupe pour vérifier qu'ils n'étaient pas atteints du mal des Terres Oubliées.
Weiwei est l'enfant du train : elle y est née seize ans plus tôt, d'une passagère qui n'a pas survécu à l'accouchement, et depuis tient plus ou moins lieu de mascotte. Ce qui est sûr, c'est qu'elle connaît le train comme personne, qu'elle y a ses repères et ses cachettes. Quand elle découvre une passagère clandestine, elle a le réflexe de prévenir la Capitaine. Seulement, celle-ci est recluse dans sa cabine, ce qui n'est pas du tout dans ses habitudes, et Weiwei en est refoulée. Tant pis, elle gardera son secret.
On retrouve dans ce roman l'atmosphère de ces trains de luxe qui faisaient rêver, à commencer par l'Orient-Express cher aux lecteurs et lectrices d'Agatha Christie. Même si, bien sûr, il ne s'agit pas seulement pour Marya de mener son enquête sans se faire repérer par les dangereux Corbeaux, les employés de la Compagnie prêts à tout pour protéger ses intérêts. Au fil des jours, et du voyage, on voit vivre ces passagers, et leurs réactions aux dangers de l'extérieur, mais aussi les relations qu'ils entretiennent dans ce vase clos qui semble de plus en plus fragile.
Les mystères se dévoilent petit à petit, et on en apprend de plus en plus sur ce que sont ces mutations tant craintes. La progression est bien gérée, rythmée par les jours de voyage, y compris en ce qui concerne l'importance de plus en plus grande prise par la question écologique, puisque ce roman explore à sa façon l'empreinte de l'homme sur la nature, et la façon dont celle-ci peut faire un retour menaçant. Les personnages sont bien différenciés - sauf, très logiquement, dans le cas des Corbeaux que l'on ne voit jamais l'un sans l'autre -, cohérents et crédibles.
En somme, c'est une histoire intéressante et originale, entre fantastique et fantasy, qui a toutes les raisons de plaire à un large public.
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