Voici une magnifique histoire d'une famille marocaine, récit de Zineb Mekouar, récompensée par le prix Henri de Régnier de l’Académie Française 2025. Deux lieux, Inzerki et Agadir.
Dans le petit village d'Inzerki, un rucher prédomine sur le flanc de la montagne, les ruches y sont nombreuses et entretenues par les villageois, ou presque, car beaucoup sont partis, faute de travail. Le miel y est une richesse et l'un des meilleurs au monde et le plus ancien. Les terres si précieuses ont du mal à connaître la destinée d'un héritage logique et l'eau manque. Les hommes partent mais les traditions et les croyances restent. Notamment celle qui concerne le vol du nectar local. Celui qui volera le miel d'une ruche se verra sanctionné et recevra la malédiction, il sera puni en devenant maudit.
Anir vit avec son grand-père, Jeddi. Son père est parti travailler à Agadir pour payer le traitement de sa mère malade. Anir apprend les traditions, les malédictions, les us et coutumes tous les jours en suivant son grand-père. Il n'a pas de copain, l'école est une obligation. Anir veille sur sa maman, Aïcha. Aïcha est devenue folle, les voisins en ont peur, ses cris terrifient la population. Seul Anir arrive à lui redonner un peu de vie en l'emmenant dans la montagne près des ruches. Le grand-père, lui, connaît la cause du traumatisme de la maman. On le découvrira bien plus tard, à la fin de cette histoire.
L'autrice Zineb Mekouar nous emmène dans cette montagne avec elle, on fait connaissance avec chacun de ses personnages, on assiste, on est témoins de scènes poignantes, mais on ne comprend pas tout, et le récit se construit au fur et à mesure pour que l'on puisse s'installer dans ce roman et l'intégrer : comprendre les maux, comprendre les relations, comprendre les comportements de chaque personnage.
C'est beau, le soleil du Maroc est présent à toutes les pages, les difficultés de la population aussi. Inzerki est un village que l'on aime voir mais il y est impossible d'y vivre si vous n'êtes pas de là-bas. Ce récit est poignant. J'ai été quelque peu déstabilisée au départ car j'avais du mal à fixer chaque personne et les périodes et puis tout s'est emboîté. La construction de ce roman est fluide, l'écriture y est incroyablement belle. L'histoire est courte mais pertinente.
Quand j'ai refermé ce livre, je me suis dit : "Quel épisode de vie !". J'ai aimé Anir et Jeddi, la relation grand-père et petit-fils, la transmission des traditions. J'ai aimé le dévouement du fils pour sa maman malade et vivant dans un monde à part. Omar, le père, souffre et souhaite trouver la solution, pour sa femme, pour son fils. Mais la ville est parfois beaucoup plus cruelle que la campagne et ses rituels endormis. L'amour des abeilles est fort et certain, l'occasion de mettre un point d'orgue pour la romancière sur l'évolution écologique de notre monde, l'eau se raréfie, la chaleur est intense, et la faune et la flore en pâtissent.
C'est un beau moment de lecture que nous a partagé Zineb Mekouar. Un témoignage fort sous le soleil chaud du Maroc. Un récit poétique et écologique qui ne laisse pas indifférent et qui nous rappelle la fragilité des abeilles et des hommes.
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