Johannes Hartvigsen est capitaine d'un bateau qui fait le tour des îles du Nordland pour ramasser le lait des agriculteurs. Depuis que sa femme Olavia est partie sans un mot, il traine toujours avec lui son fils de cinq ans, Mattis. Personne n'a été surpris par cette disparition, les deux étaient tellement mal assortis que même Johannes ne comprenait pourquoi Olavia l'avait épousé.
Ne sachant pas vraiment comment s'y prendre avec cet enfant qui ne lui ressemble pas, il décide de le confier à Ingrid Barrøy qui vit sur son île avec sa fille et quelques proches. Ils forment ce qui ressemble le plus à une famille soudée dans cette contrée battue par les vents, où la mer dicte sa loi.
Lorsque Johannes le dépose, Ingrid sent tout de suite qu'ils ne le reverront plus. Quelques jours plus tard, il est porté disparu en mer. Commence alors pour Mattis, une nouvelle vie au sein de cette famille et sur cette île où tout est fait, construit, pensé pour permettre la survie tout au long de l'année dans des conditions difficiles. Ingrid et les siens s'en tirent mieux que d'autres grâce au Salthammer, leur bateau de pêche qui leur permet parfois une pêche miraculeuse facilitant leur vie pour un temps.
C'est l'adolescence de Mattis devenu Mathias que nous allons suivre dans cette période d'après-guerre où plane toujours l'ombre de l'occupation allemande. Comment va-t-il s'intégrer et comment Ingrid va-t-elle lui expliquer cette double disparition ?
Ce roman suit le parcours et la vie d'une famille sur une île dans des conditions dures, âpres, où toute erreur de jugement se paie cash. C'est le quatrième livre sur la vie d'Ingrid Barrøy et même si comme moi vous n'avez pas lu les autres vous pouvez vous plonger facilement dans cette lecture qui finira par vous happer.
S'il ne se passe pas grand chose de transcendant tout au long de l'histoire, chaque jour nous amène à ouvrir les yeux sur cette vie de labeur de ces paysans norvégiens isolés, de ce rapport à la nature nourricière, à la mer et ses bienfaits mais aussi ses dangers. Ingrid est celle qui assure le lien entre tous, celle qui fait que tout le monde puisse vivre décemment, celle qui tente de préserver le capital et les intérêts de Mathias. Elle essaie tout simplement d'être une mère convenable pour cet enfant abandonné par sa mère et son père.
Comme en France, la Norvège a subi l'occupation nazie, et comme en France des rancœurs ont persisté un temps avec un peu moins d'intensité que chez nous quand même. C'est au milieu de non-dits, de mystères sur les origines de certains personnages qu'évoluent Ingrid et Mathias et qu'ils luttent contre la modernité qui petit à petit gagne du terrain mêmes dans ces terres perdues du nord de la Norvège.
Roy Jacobsen a un don pour nous écrire un roman où l'action est quasi nulle la plupart du temps mais où on ne s'ennuie pas un seul instant. Sa description des paysages, des couleurs du ciel et de la mer, ses personnages si bien façonnées nous tiennent en haleine. Son écriture simple mais belle, son héroïne au caractère bien trempé qui tente de toujours rester digne même dans la douleur, son histoire en lien avec la guerre, tout nous donne envie de tourner les pages et de ne pas lâcher ce roman.
J'aime suivre ces femmes et ces hommes qui font tout pour s'adapter à cette nature qui peut leur donner beaucoup mais aussi tout leur reprendre sans pitié. C'est pudique, toujours dans la finesse mais ne cache rien de la dureté de la vie. Un beau roman sur des gens modestes, une nature magnifique et parfois cruelle, et sur des paysages qui font rêver.
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