Chez les Rosso, la verrerie est un art qui se transmet de père en fils. Ces artisans de Murano travaillent le verre tous les jours et commercent avec les riches de Venise, dont un marchand allemand qui leur permet d'écouler leur production. C'est ainsi que vit la famille, dans la chaleur du four. On transpire beaucoup dans l'atelier des Rosso et le rôle des femmes est d'enchaîner les lessives et d'assurer qu'un bon plat consistant attende les hommes sur la table. Tel était le quotidien d'Orsola, une des enfants Rosso.
Jusqu'à ce qu'à la suite d'un accident dans l'atelier son père meure et que l'aîné des fils doive prendre la relève. Mais son caractère fier, têtu et rustre ne joue pas en la faveur des Rosso. La jeune fille, bien que tenue à l'écart de la verrerie de par sa condition de femme, décide d'apprendre le métier en cachette pour vendre des perles et ainsi aider sa famille.
Tracy Chevalier nous emmène par la main dans le monde de la verrerie et plus particulièrement celle particulièrement réputée de Murano. Elle commence son périple historique en 1486 auprès d'Orsola Rosso et nous ne la quitterons plus. Mais elle use d'un subterfuge surprenant pour nous conter dans le même temps l'histoire du verre de Murano à travers les époques. L'autrice fait faire des sauts dans le temps de plusieurs décennies à ses personnages là où l'âge ne leur a fait prendre que quelques années. C'est ainsi que nous connaîtrons Murano et Venise au temps de leur splendeur, brutalement malmenées par la grande épidémie de peste. Puis il y aura l'arrivée de Napoléon, la rivalité des grandes villes européennes, l'essor du tourisme et la banalisation des objets souvenirs bon marché.
L'art perdure mais il est mis à mal pour des raisons différentes au fil du temps. Pour autant, l'amour du travail du verre reste bel et bien là envers et contre tout.
La verrerie de Murano n'est pas le seul sujet du roman. La figure féminine d'Orsola met en exergue l'invisibilisation des femmes dans les métiers artisanaux d'excellence. Seuls les hommes avaient le droit d'exercer le métier, à une rare exception près dans cette histoire, Maria Barovier, l'artiste qui a donné à Orsola l'élan pour fabriquer elle aussi des perles. Grâce à elle, Orsola s'empare d'une liberté qu'elle fera grandir davantage au fil du temps. A cet égard, elle est un personnage inspirant, car elle démontre qu'avec l'envie, le courage et la détermination, on peut forcer le destin et accomplir ce pour quoi on se sait faite, en dépit des obstacles.
La force du roman tient aussi en sa puissance romanesque. La vie d'Orsola sera traversée d'espoirs, de déceptions, de succès, d'émois amoureux. Nous suivons sa vie tout autant que celles de ses proches que nous voyons grandir et évoluer.
La fileuse de verre est un roman foisonnant, passionnant à bien des égards, qui offre un admirable voyage à travers le temps dans la lagune vénitienne.
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